Des représentations paysagères fédérées par l’identité bourguignonne

publié le 11 septembre 2017 (modifié le 5 avril 2019)

Les limites départementales sont indifférentes à celles des paysages, fondus dans cet ensemble bourguignon aux puissantes représentations.

A la faible identification du département de la Saône-et-Loire [1] répond celle de ses paysages. Émanation à sa création en 1791 d’un découpage de la province historique de Bourgogne en 4 départements (Côte-d’Or, Nièvre, Saône-et-Loire, Yonne), le département dont les limites sont en partie indifférentes à celles des paysages et qui manque d’un véritable centre, reste fondu dans cet ensemble bourguignon qui impose de puissantes représentations géographiques, culturelles et historiques.
Mais une fois dépassée cette référence à la fois positive et globalisante, les caractères des paysages « entre Saône et Loire » peuvent mieux s’appréhender. Au travers notamment des nombreux sites exceptionnels qui le parsèment, de thématiques culturelles fortes comme l’art roman ou le vin, et de ses nombreuses régions naturelles et agricoles (Morvan, Saône, Mâconnais, Chalonnais, Charolais, Brionnais, Bresse…) porteuses d’identités spécifiques et d’images de paysages de qualité.


  La référence Bourguignonne

« La Bourgogne est (…) au plus haut degré une contrée politique, placée sur les routes de l’Europe. Les positions de villes, de centres féodaux, tiennent aux passages si nombreux que nous avons décrits.
La réapparition même des roches granitiques dans le Morvan et le Charolais n’interrompt guère vers l’ouest la liberté des communications. Car toute cette extrémité septentrionale du Massif Central a été étonnamment morcelée. Au cœur du Morvan, un ancien bassin permien, dont les schistes offraient aux eaux moins de résistance, subsiste : c’est le bassin d’Autun, centre de voies romaines. Entre l’Autunois et le Charolais, une dépression allongée, que signalent les plus anciennes cartes de France, partage ses eaux entre la Loire et la Saône. Entre le Charolais et le Mâconnais, des accidents géologiques ont, par effondrement, produit une sorte de golfe de plaine que sillonne la Grosne et où s’est placé Cluny. Au point où la rivière quitte les terrains primitifs et débouche parmi les calcaires, dans un horizon de prairies et de forêts la célèbre abbaye dresse ses blanches tours romanes. Avantageusement placé pour influer à la fois sur la Loire et sur la Saône, Cluny est néanmoins tout bourguignon, par les sites et les hommes. On laisse derrière soi les vieux pays retirés, les landes de genêts et bruyères où de vieilles femmes filent leur quenouille au bord des haies. Les sommets des montagnes, usées par la culture, deviennent gris et chauves ; mais sur leurs pentes s’étalent, entre des murs de pierre sèche, la grande rangée des vignobles, parsemés de fermes riantes et ouvertes, de villages, de châteaux, qui descend sans interruption jusqu’à la plaine aux hauts peupliers, dont Mâcon tient l’entrée. »

Paul Vidal de la Blache, Tableau de la géographie de la France, 1908


 
Saône-et-Loire, design by Bourgogne, Destination Saône-et-Loire, 2017, couverture et 4e de couverture Un grand week-end en Bourgogne du sud, Hachette, 2017 en grand format (nouvelle fenêtre)
Saône-et-Loire, design by Bourgogne, Destination Saône-et-Loire, 2017, couverture et 4e de couverture Un grand week-end en Bourgogne du sud, Hachette, 2017


 

Si le Comité départemental du tourisme privilégie en couverture une imagerie d’activité et de vacances, le guide Hachette met en exergue la Roche de Solutré dont l’image est incontestablement devenue l’emblème du département (cette représentation est aussi présente en grand format sur la 4e de couverture de la brochure départementale). L’éditeur y adjoint trois images évoquant l’art roman, la vigne, le patrimoine architectural qui font partie aujourd’hui des principaux symboles du territoire départemental.

La Bourgogne sert traditionnellement d’appui à la présentation de la Saône-et-Loire et de ses paysages. Le géographe Paul Vidal de la Blache, tout au début du XXe siècle, dans un paragraphe de son Tableau de la géographie de la France, y décrit une Bourgogne terre de passage, réduite à la seule Saône-et-Loire, sans toutefois nommer une seule fois le département. Tous les noms de lieux ou des régions naturelles sur lesquels sa démonstration est étayée sont compris dans le département.
Aujourd’hui, les documents touristiques institutionnels départementaux sont uniformément signés « designed by Bourgogne » slogan du Comité régional du tourisme de Bourgogne-Franche-Comté incluant ainsi résolument le territoire « saône-et-loirien » au sein des représentations bourguignonnes en lui faisant bénéficier de leur notoriété. [2]
Il en est de même des guides et beaux livres vendus en librairie. Quand leurs collections ne distinguent simplement pas le département au sein de la région, on ne manque quasiment jamais de souligner en couverture la référence à la Bourgogne. Depuis quelques années, l’appellation « Bourgogne du sud » tout en apportant une précision géographique bienvenue et en attribuant au département les images positives de la méridionalité, tend encore à placer au second plan le nom du département, sinon à s’y substituer [3]. L’exemple du dernier guide consacré au département par l’éditeur Hachette est à cet égard révélateur, la couverture ne faisant plus référence à la Saône-et-Loire, dont le nom est relégué en quatrième de couverture…

Nombre de photos postées par les internautes sur le site de partage de photos Flikr répondant à la requête (Saône-et-Loire + paysage), août 2017  en grand format (nouvelle fenêtre)
Nombre de photos postées par les internautes sur le site de partage de photos Flikr répondant à la requête (Saône-et-Loire + paysage), août 2017
Les paysages de Saône-et-Loire ou indiqués comme tels sont sous-représentés par rapport aux autres départements bourguignons, notamment la Côte-d’Or en première place en termes d’identification.


 

Sites remarquables et régions naturelles, portes d’entrées dans les paysages de Saône-et-Loire

Si le territoire départemental et ses paysages sont peu identifiés et caractérisés dans leur globalité, quelques sites remarquables par leur histoire, leur symbolique, leur patrimoine et leur beauté naturelle contribuent, certes de manière fragmentée, à la construction d’une image départementale. Il en est de même des petites régions naturelles et /ou historiques qui portent en elles, dans leurs dénominations, de fortes représentations. Dans son Dictionnaire amoureux de la Bourgogne [4], le géographe Jean-Robert Pitte spécialiste des paysages et du vin, choisit parmi 105 entrées, 9 relevant directement de la Saône-et-Loire : « Bresse », « Chalon-sur-Saône », « Cluny », « Le Creusot », « Lamartine », « Morvan » « Saône », « Solutré », « Taizé ». Ce choix, revendiqué comme subjectif car « amoureux », ne s’éloigne guère des emblèmes classiques qui identifient le département.

Nombre de cartes postales anciennes par communes de Saône-et-Loire Site Internet des Archives départementales de Saône-et-Loire, 2017 en grand format (nouvelle fenêtre)
Nombre de cartes postales anciennes par communes de Saône-et-Loire Site Internet des Archives départementales de Saône-et-Loire, 2017


 

Les représentations se concentrent logiquement sur les plus grandes villes avec une quasi-équivalence entre Paray-le-Monial et Autun (respectivement 634 et 571 cartes postales), puis Mâcon et Chalon-sur-Saône (433 et 427). Viennent ensuite Cluny et le Creusot, Tournus et Charolles. La hiérarchie habituelle (les plus grandes villes et la préfecture sont les plus représentées) n’est ici pas respectée puisque Chalon et Mâcon, les deux villes les plus peuplées se font devancer par Paray-le-Monial et Autun (en 6e et 7e place en nombre d’habitants) du fait de leur patrimoine architectural, historique et religieux exceptionnels.
La grande ligne nord-sud des collines qui s’étend à l’est du bassin houiller est également bien représentée et de manière relativement homogène. Les côtes chalonnaises et mâconnaises, ainsi que la vallée de la Saône concentrent ensuite les représentations. Les territoires les plus éloignés à l’ouest, dans le Morvan, et les paysages plus plats de la Bresse ne bénéficient, sauf quelques exceptions, que de peu d’images.

Carte extraite de la présentation « Paysages de Bourgogne : perception et représentation ». La limite et le nom du département ont été ajoutés.   en grand format (nouvelle fenêtre)
Carte extraite de la présentation « Paysages de Bourgogne : perception et représentation ». La limite et le nom du département ont été ajoutés.
DIREN Rhône-Alpes, Délégation de bassin Rhône-Méditerranée, 2008


 

Carte extraite de la présentation « Paysages de Bourgogne : perception et représentation ». La limite et le nom du département ont été rajoutés.
Cette carte de synthèse illustre la représentation des paysages bourguignons (enquête à partir de l’analyse d’ouvrages de référence grand public et d’une enquête auprès d’acteurs régionaux). Elle indique globalement les mêmes tropismes révélés par la cartographie des cartes postales anciennes, notamment la grande verticale de paysages reconnus s’étirant nord-sud, à l’est du bassin minier, vers l’ouest et la Saône.

 

Mâconnais, Charolais, Morvan et Brionnais, régions naturelles les mieux identifiées

Nombre de photos de paysages postées par les internautes sur le site de partage de photos Flikr par régions « naturelles » incluses en Saône-et-Loire, août 2017 en grand format (nouvelle fenêtre)
Nombre de photos de paysages postées par les internautes sur le site de partage de photos Flikr par régions « naturelles » incluses en Saône-et-Loire, août 2017


 

La première place revient au Mâconnais de manière significative. Le Charolais, le Morvan et le Brionnais arrivent ensuite avec un nombre de représentations assez proches. La Bresse devance le Châlonnais et l’Autunois, peu représentés. Le Bourbonnais, en limite du département est non identifié.

Des paysages de châteaux  [5] et d’églises [6]

Alors que la Saône-et-Loire est clairement identifiée comme un département rural et agricole, alors que les forêts et les bois sont nombreux et que les cours d’eau irriguent l’espace, ce sont les motifs patrimoniaux, architecturaux et urbains qui dominent l’iconographie.

Nombre d'occurrence par mot matière servant à l'indexation des cartes postales anciennes des Archives départementales en ligne de Saône-et-Loire, août 2017   en grand format (nouvelle fenêtre)
Nombre d’occurrence par mot matière servant à l’indexation des cartes postales anciennes des Archives départementales en ligne de Saône-et-Loire, août 2017
Des regroupement ont été effectués pour le motif de l’eau.

Classiquement, les éléments patrimoniaux des paysages (châteaux et églises) sont les plus représentés. Les motifs de l’industrie (Le Creusot et Montceau-les-Mines) prennent la troisième place devant les motifs de l’eau et les représentations des paysages ruraux. Quant aux panoramas, ils sont sous-représentés par rapport aux nombreux et larges points de vues dont bénéficie le département.

Représentation des paysages dans l'iconographie d'ouvrages de référence grand public sur la Bourgogne  en grand format (nouvelle fenêtre)
Représentation des paysages dans l’iconographie d’ouvrages de référence grand public sur la Bourgogne
Graphique réalisé à partir des résultats inclus dans : « Paysages de Bourgogne : perception et représentation », DIREN Rhône-Alpes, Délégation de bassin Rhône-Méditerranée, 2008


 

L’iconographie contemporaine donne toujours une place prépondérante à la représentation des paysages bâtis et patrimoniaux. Les espaces où dominent les motifs de nature ou de campagne n’arrivent que très loin derrière.

  Les grands emblèmes

La roche de Solutré

« Dans une Bourgogne aux reliefs aimables et arrondis, en dehors de quelques modestes falaises des vallées de l’Ouche, du Suzon ou de la Cure, l’escarpement de faille de la roche de Solutré apparaît comme une exception par sa verticalité, son caractère heurté, tranchant, sauvage. Ce bec d’aigle calcaire est couvert de broussailles et de pelouses calcicoles d’un vert pâle. Il contraste avec le paysage peigné, manucuré et civilisé des vignobles de Pouilly-Fuissé et de Mâcon-Solutré qui l’entourent et avec l’architecture soignée des maisons rurales, l’une des plus belles de France grâce à la qualité de la pierre locale et de sa couleur qui prend des teintes dorées au soleil. ».

Jean-Robert Pitte, Dictionnaire amoureux de la Bourgogne, Plon, 2015


 

Avec sa silhouette élancée, son crêt calcaire vertical dominant des parcelles de vignes peignées en contre-bas, la Roche de Solutré (site classé en 1909 et grand site de France en association avec Pouilly-Vergisson) est le paysage le plus emblématique de Saône-et-Loire. L’ascension rituelle qu’en faisait chaque dimanche de Pentecôte, le président de la République François Mitterrand a largement contribué à la diffusion de son image.

Trois guides de randonnée associant Roche de Solutré et Saône-et-Loire  en grand format (nouvelle fenêtre)
Trois guides de randonnée associant Roche de Solutré et Saône-et-Loire
Jean-Philippe Perrusson, Les sentiers d’Émilie en Saône-et-Loire : 25 promenades pour tous, Rando éditions, 2011 ; Saône-et-Loire, balades à pied, Chemina, 2015 ; La Saône-et-Loire à pied, FFRP, 2005


 

L’art roman
Les silhouettes des églises, abbayes, cathédrales romanes habitent littéralement les paysages de Saône-et-Loire. Ils en sont les autres emblèmes incontestés. La découverte des paysages du département passe en grande partie par celle de ce patrimoine dont les chefs-d’œuvre sont bien répartis sur le territoire. La beauté et la douceur des formes de l’architecture romane, l’art qui y est associé (sculpture, peinture) construisent des représentations paysagères emplies d’histoire et de spiritualité.

« Les chemins du roman en Charolais-Brionnais, sd  en grand format (nouvelle fenêtre)
« Les chemins du roman en Charolais-Brionnais, sd
Extraite d’une brochure consacrée à l’art roman dans le Charolais-Brionnais, cette carte propose deux circuits de visite. Elle localise une vingtaine de « sites romans majeurs » ainsi que de 6 « points de vue remarquables » associant ainsi la dimension paysagère à la découverte historique et patrimoniale.


 
 
L'art roman au cœur des représentations départementales  en grand format (nouvelle fenêtre)
L’art roman au cœur des représentations départementales
Les couvertures des deux guides de balades éditées par le Comité départemental du tourisme sont illustrées par des monuments de l’architecture romane montrant la relation intime nouée entre ce patrimoine et le paysage.


 

La vigne et le vin

Concentrés dans le Mâconnais et le Beaujolais, la vigne et le vin irriguent les représentations anciennes de la Saône-et-Loire. Mais l’économie viticole, vitale pour le département, induit aussi une multiplication d’images contemporaines. D’un côté, génériques du travail de la vigne et du vin, elles sont peu localisées et sans rapport direct avec les paysages ; de l’autre, localisées ou non, elles montrent des coteaux plantés de vignes, l’été, accompagnés des silhouettes des villages groupés autour de leur église, de préférence romane. Ces images sont désormais des « incontournables » des représentations départementales. D’autant que depuis 2015, une partie des « climats » c’est-à-dire les parcelles de vigne en Bourgogne, a été inscrite au Patrimoine culturel mondial de l’Humanité (Unesco) pour leur valeur universelle exceptionnelle (V.U.E). Si le périmètre de ce classement concerne essentiellement la Côte-d’Or, trois communes de Saône-et-Loire font partie de la zone « centrale » inscrite (Dezizes-lès-Maranges, Sampigny-lès-Maranges, Cheilly-lès-Maranges), un peu plus dans la zone « écrin ».

 
Atlas général des routes de la province de Bourgogne : route n° 40 de Buxy à Givry par Saint-Désert, seconde moitié du XVIIIe siècle  en grand format (nouvelle fenêtre)
Atlas général des routes de la province de Bourgogne : route n° 40 de Buxy à Givry par Saint-Désert, seconde moitié du XVIIIe siècle
Archives départementales de Saône-et-Loire, C SUP PC/1 (10)
« Ces plans font partie d’un ensemble, Atlas général des routes, commandé par les États du Duché de Bourgogne en 1759. (…) Ces documents, en couleur, très précis dans le détail, sont riches en renseignements sur l’habitat et l’environnement au XVIIIe siècle (cultures, forêts, moulins, châteaux…). »
Une représentation cartographique inspirée qui met déjà en valeur les qualités graphiques du paysage viticole de Givry.


 
Azé. Les vignobles, le village et montagne d'Aisne, 1954 ; Romanèche-Thorins. Clos des Thorins et du Moulin à vent, 1903 ; Saint-Amour-Bellevue. Mont Bessay (crus classés), 1935  en grand format (nouvelle fenêtre)
Azé. Les vignobles, le village et montagne d’Aisne, 1954 ; Romanèche-Thorins. Clos des Thorins et du Moulin à vent, 1903 ; Saint-Amour-Bellevue. Mont Bessay (crus classés), 1935
Archives départementales de Saône-et-Loire, 6 FI 8744 ; 6 FI 856, 6 FI 8555


 

Parcelles de vignes en feuilles, silhouettes des villages groupés se détachant sur l’arrière-plan de collines cultivés : la viticulture est l’occasion de belles images de paysage.

« L’image de la Côte viticole bourguignonne est, certes marquée par ses vins et sa cuisine, que recherche un tourisme fortement développé sur un axe majeur de communication entre la Méditerranée et le nord de l’Europe. Les paysages voisins de la Bourgogne y contribuent également, car ils renvoient à cette qualité culinaire et viticole : le Charolais, l’Auxois, notamment, et leur bocage verdoyant de haies basses taillées, où paissent les bœufs blancs à la viande renommée, contribuent également à cette culture où s’allient qualité des terroirs agraires et qualité des paysages. »
Yves Luginbühl, Le paysage de la côte viticole bourguignonne, sd [7]


 
Le vignoble de Mercurey  en grand format (nouvelle fenêtre)
Le vignoble de Mercurey
La photo illustre de manière « documentaire » l’article de l’encyclopédie en ligne Wikipédia consacré à l’appellation.
Mpmpmp — Travail personnel, CC BY-SA 3.0, ⚠️ <html>https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=7106702</html>


 
Le vignoble de Mercurey   en grand format (nouvelle fenêtre)
Le vignoble de Mercurey
Cette photo "artistique" et en noir et blanc d’un paysage viticole du Mercurey pouvait il y a peu, être achetée en ligne en même temps que du vin de Bourgogne, le vin devenant la métonymie du paysage bourguignon et inversement. Cette offre a depuis peu disparu.
Le Bourguignon : https://photo.le-bourguignon.fr/


 
Périmètre du classement Unesco des climats du vignoble de Bourgogne  en grand format (nouvelle fenêtre)
Périmètre du classement Unesco des climats du vignoble de Bourgogne
 

Alors que le périmètre inscrit au Patrimoine mondial est presque entièrement situé en Côte-d’Or, le label bénéficie à l’image globale de la Saône-et-Loire et l’inscrit encore davantage dans le rayonnement de la région bourguignonne et de ses vins.

Igé, circuit de randonnée oenotouristique, 2017  en grand format (nouvelle fenêtre)
Igé, circuit de randonnée oenotouristique, 2017
@ S. Guenerie / SLD, http://www.bourgogne-du-sud.com


 

La mise en valeur des « climats » bourguignons par leur inscription au patrimoine mondial de l’Unesco, permet de renouveler les modes de découverte des paysages viticoles de Saône-et-Loire. La photographie panoramique du paysage d’Igé imprimée sur ce panneau d’information détaille les différents « climats » (6 sont accessibles par la balade) en incitant à regarder le paysage. Igé, petite commune située entre Cluny et Mâcon, n’est pas concernée par le classement des climats de Bourgogne au patrimoine mondial.

Le bœuf et la poule

Les deux régions naturelles du Charolais et de la Bresse bénéficient d’une visibilité particulière au sein du département en raison de la notoriété de leurs productions éponymes de viande et de volailles. A l’élevage du bœuf de Charolles, qui a acquis en 2010 son appellation d’origine préservée (AOP), sont associées des images de bocage, de prairies verdoyantes, de doux reliefs cultivés… Autant d’images bucoliques et positives de paysage que viennent renforcer la présence des animaux dans les prés, synonyme du « bien manger ». La volaille de Bresse, dont l’AOC oblige l’élevage en plein air, n’a et ne produit aucune image de paysage, sinon imaginaire.

Extrait d'une vidéo de promotion du bœuf de Charolles, Institut charolais, 2011  en grand format (nouvelle fenêtre)
Extrait d’une vidéo de promotion du bœuf de Charolles, Institut charolais, 2011
https://www.youtube.com/watch?v=jApx5Ijr520&feature=youtu.be
Syndicat de Défense et de Promotion de la Viande Boeuf de Charolles
http://www.boeufdecharolles.fr


 

L’AOP « Bœuf de Charolles » associe un élevage à un terroir. Dans sa promotion, les paysages tiennent ainsi une place très importante et leurs qualités deviennent les vecteurs de ressources économiques et non plus seulement l’objet de jouissance esthétique.

  Des motifs et des paysages identitaires en manque d’images contemporaines

L’eau partout présente, mais où ?

A l’inverse de la Loire, grande oubliée des représentations, la Saône, grand axe naturel de communication, concentre un grand nombre de représentations anciennes. La plupart montrent les quais et les berges du fleuve quand il traverse Chalon-sur-Saône, Mâcon, Tournus.
De la même manière, les autres rivières sont représentées lorsqu’elles sont associées aux paysages de villes patrimoniales (Cluny et la Grosne, Paray-le-Monial et la Bourbince, Autun et la Braconne…). Ainsi, on ne trouve que de rares images des cours d’eau en campagne.

La Saône en vedette

« Elle coule [la Saône] avec une si incroyable lenteur que l’œil ne peut juger la direction de son cours. »
Jules César, la Guerre des Gaules, livre I, entre 51 et 57 av. J.C.


 
Jean-Baptiste Lallemand, Première vue de Chalon-sur-Saône et de la citadelle dans le fond en arrivant de Givry, 1780  en grand format (nouvelle fenêtre)
Jean-Baptiste Lallemand, Première vue de Chalon-sur-Saône et de la citadelle dans le fond en arrivant de Givry, 1780
Bibliothèque nationale de France, département Estampes et photographie


 

La Saône, au centre du dessin, répond au ciel et à l’architecture de la ville qui se déploie de chaque côté du pont. En miroir avec le ciel, la rivière devient ici un élément essentiel de la mise en scène de ce paysage urbain remarquable.

La Loire oubliée

La Loire dessine plus ou moins au sud-ouest la limite avec le département de l’Allier, et plus au nord avec celui de la Nièvre. Les paysages ligériens n’en sont pas moins rarissimes autant dans les représentations anciennes que contemporaines. Quelques cartes postales rendent compte de la présence du fleuve aux abords des bourgs de Digoin (à l’intersection du canal du centre et de celui de Roanne à Digoin), Bourbon-Lancy, Gilly, Saint-Aubin, Vitry…
Le fleuve qui, ici se déroule essentiellement en campagne demeure, en image, inexistant, contrairement au canal du centre qui, aujourd’hui parcouru par une voie verte, lui vole la vedette (sans pour cela offrir tellement d’images de paysages).

De gauche à droite, de bas en haut : Digoin, le pont Aqueduc, sd ; Bourbon-Lancy, après 1950 ; Vitry-sur-Loire, les bords de la Loire, 1903 ; Saint-Aubin   en grand format (nouvelle fenêtre)
De gauche à droite, de bas en haut : Digoin, le pont Aqueduc, sd ; Bourbon-Lancy, après 1950 ; Vitry-sur-Loire, les bords de la Loire, 1903 ; Saint-Aubin
Archives départementales de Saône-et-Loire : 6FI3795, 6FI408, 6FI1671, FI3016
 

Le fleuve et ses berges ne suscitent que peu d’intérêt. Ici quelques cartes postales rendent compte de quelques ambiances et des loisirs offerts par le fleuve.

Bourbince, Grosne…
 A gauche, Paray-le-Monial, affiche PLM 1904 ; à droite, Le Grosne à Messeugne (Savigny-sur-Grosne), début XXe siècle  en grand format (nouvelle fenêtre)
A gauche, Paray-le-Monial, affiche PLM 1904 ; à droite, Le Grosne à Messeugne (Savigny-sur-Grosne), début XXe siècle
À gauche, Ateliers Hugo d’Alési Chemins de Fer de Paris Lyon Méditerranée, Bibliothèque nationale de France, Gallica ; Archives départementales de Saône-et-Loire 6FI_9950


 

A gauche, la basilique de Paray-le-Monial dont la silhouette se reflète dans les eaux de la Bourbince est au centre de cette représentation chargée de naïveté et de pittoresque.
À droite, la photo de Messeugne a la rigueur d’une image documentaire. On y voit la rivière et le bâti qui construisent ensemble un espace à la fois vivant (variété des volumes des maisons et des alignements) et harmonieux.

Le Canal du Centre

Le canal du Centre tient une bonne place dans le corpus des cartes postales anciennes. Mais leur grande majorité reste centrée sur l’ouvrage, les ports et leurs activités et les centres urbains qu’il traverse, donnant peu à voir des paysages proches.

 Cheilly-lès-Maranges, canal du Centre, 1933  en grand format (nouvelle fenêtre)
Cheilly-lès-Maranges, canal du Centre, 1933
Archives départementales de Saône-et-Loire, 6 FI 1075


 

Cette image est une exception. Le canal est ici inclus dans son contexte paysager. Bordé par de beaux alignements d’arbres, ouvrant des vues vers le lointain, il est un des éléments importants des paysages de Saône-et-Loire.

Canal du Centre, sd  en grand format (nouvelle fenêtre)
Canal du Centre, sd
ADT 71 / Nathalie Bonnetain


 

Non localisée, cette image illustre l’activité de promenade en bateau ou en vélo permise aujourd’hui par le canal. Cette image contemporaine ne renseigne en rien des caractères particuliers des paysages du canal et de ses alentours au profit d’un paysage générique, quasi banal.

Le bassin industriel et minier : de la glorification à l’effacement paysager [8]

Le bassin industriel et minier entre Le Creusot et Montceau-les-Mines constituait autrefois une partie essentielle de l’imagerie départementale. Si l’histoire de la région ouvrière fait l’objet d’un travail de transmission important (Écomusée de Creusot-Montceau), la représentation de ses paysages a été délaissée bien avant que la désindustrialisation ne vienne les bouleverser à l’image de l’économie locale et départementale.

Hubert Clerget, Le Creusot, XIXe siècle  en grand format (nouvelle fenêtre)
Hubert Clerget, Le Creusot, XIXe siècle
Bibliothèque nationale de France, Gallica


 

Une représentation classique du paysage du Creusot au XIXe siècle où l’essor industriel de la ville en particulier et du bassin minier en général est mis en scène. Tous les éléments du paysage manufacturier (chemins de fer, cheminées et bâtiments d’usine) montrent l’attention portée aux motifs industriels qui l’emporte sur la représentation du site.

   Un département panoramique

Les points de vue panoramiques sont particulièrement nombreux en Saône-et-Loire. Le Comité départemental du tourisme en recense plus d’une trentaine à visiter. Ce « patrimoine » exceptionnel par le nombre et par la qualité des vues est valorisé au moins depuis le XIXe siècle.
Aujourd’hui, ces belvédères naturels sont le plus souvent accompagnés de tables d’orientation ou de panneaux à vocation pédagogique, support d’une lecture des paysages départementaux.

Mont-Saint-Vincent, croquis panoramiques de l'observatoire du Mont-Saint-Vincent, XIXe siècle  en grand format (nouvelle fenêtre)
Mont-Saint-Vincent, croquis panoramiques de l’observatoire du Mont-Saint-Vincent, XIXe siècle
Archives départementales de Saône-et-Loire, droits réservés, 1fi27 59 01


 

Ces dessins à la fois sensibles et soignés font état du paysage tel qu’il se dévoile au XIXe siècle du sommet du Mont Saint-Vincent, l’un des plus beaux points de vue du département. Les tables d’orientation continuent de décliner ce mode de représentation. Il est rare cependant que les dessins qu’elles portent soient à la hauteur documentaire et de cette planche.

A gauche : page du site Internet « Destination Saône-et-Loire » consacrée aux points de vue, août 2017 ; à droite, extrait d'une page de la brochure téléchargeable Tables d'orientation : panoramas d'exception, points de vue remarquables en Saône-et-Loire, sd  en grand format (nouvelle fenêtre)
A gauche : page du site Internet « Destination Saône-et-Loire » consacrée aux points de vue, août 2017 ; à droite, extrait d’une page de la brochure téléchargeable Tables d’orientation : panoramas d’exception, points de vue remarquables en Saône-et-Loire, sd


 

Alors que sur l’extrait de l’une des 6 pages qui présentent les points de vue les plus intéressants du département, les illustrations manquent parfois et révèlent l’hésitation de l’éditeur entre mettre en scène le belvédère et sa table d’orientation, ou le paysage lui-même, la brochure réalisée par ldes élèves de 3° les mettent à la hauteur d’un véritable patrimoine.
Réalisée par une classe de troisième de collège dans le cadre d’un parcours de découverte des métiers et des formations, ce travail de recensement est un des rares supports conçus pour le tourisme qui s’intéresse aux paysages et en tente une lecture à partir de tous les points de vue du département. « Le département de Saône et Loire n’est pas réputé pour son relief montagneux ; on y trouve pourtant entre 300 et 800 mètres des points culminants qui offrent des panoramas de toute beauté. Sur la plupart de ces sites sont implantées des tables d’orientation qui aident à la lecture des paysages avec des indications intéressantes sur la faune et la flore. Toutes ces tables ont un style et une histoire particulière avec des panoramas tous différents qui montrent la richesse et la diversité du département. »

Mont-Saint-Vincent, point de vue panoramique et table d'orientation, 2017  en grand format (nouvelle fenêtre)
Mont-Saint-Vincent, point de vue panoramique et table d’orientation, 2017
Photo : Monique Chauvin


 

[1« Saône-et-Loire : un nom de lieu et d’équilibre, un nom concret aux vertus géographiques, descriptif du point de vue physique… mais qui ne suffit pas à situer précisément le département ». Profil identitaire de la Saône-et-Loire, Co-managing ; département de Saône et Loire, 2012

[2Depuis 2014, les régions administratives « Bourgogne » et Franche-Comté ont été regroupées en un seul ensemble « Bourgogne-Franche-Comté ».

[3Le site Internet du Comité du tourisme de Saône-et-Loire a pour adresse : http://www.bourgogne-du-sud.com/. Cette appellation n’est cependant pas reprise explicitement sur la page d’accueil qui maintient le nom du département dans son slogan « Destination Saône-et-Loire ».

[4Jean-Robert Pitte, Dictionnaire amoureux de la Bourgogne, Plon, 2015

[5« (…) 189 châteaux allant des forteresses féodales, châteaux Renaissance aux demeures du XVII et XVIIIe, gentilhommières et châteaux du siècle dernier. » Extrait du site Internet du Comité départemental du tourisme de Saône-et-Loire « Destination Saône-et-Loire » : http://www.bourgogne-du-sud.com

[6« La spiritualité résonne plus que partout ailleurs en Saône-et-Loire. Une ferveur qui ne se dément pas depuis des siècles. La Saône-et-Loire est bénie… » Extrait du site Internet de Destination Saône-et-Loire, op. cité.

[8Le rayonnement économique et industriel du Creusot et de Montceau-les-Mines a inspiré au XIXe siècle et au début du XXe siècle nombre de photographes, dessinateurs, graveurs… Plus récemment, des peintres se sont aussi approprié ces motifs et lui ont donné une valeur particulière en le reliant intimement à l’histoire humaine et artistique de cette partie du département. Ces aspects sont développés dans les articles…