Dynamiques et enjeux paysagers du Morvan Oriental

publié le 25 octobre 2018 (modifié le 2 avril 2019)

  DYNAMIQUES

Morvan Oriental carte d'Etat-Major. 1860 en grand format (nouvelle fenêtre)
Morvan Oriental carte d’Etat-Major. 1860


 

La carte d’Etat-major montre une valorisation étagée du territoire : les forêts (vert) occupent l’essentiel des hauteurs, viennent ensuite des espaces communaux de pâturage, puis des cultures et des prés des versants et dans les fonds de vallées les prés bocagers humides (bleu clair). A la fin du 19ème siècle, la superficie forestière atteint son plus bas niveau dans le Morvan, la forêt est traditionnellement exploitée en taillis pour le bois de chauffage, qui est transporté par flottage jusque sur l’Yonne ou la Loire.
Les villages sont peu développés et ne se distinguent guère des nombreux hameaux qui se répartissent sur le territoire.

Morvan Oriental photo aérienne. 1954  en grand format (nouvelle fenêtre)
Morvan Oriental photo aérienne. 1954
Géoportail


 

Un petit parcellaire agricole

La photographie aérienne révèle un petit parcellaire agricole en lanière, dont les formes épousent les courbes de niveau. Les cultures sont alors nombreuses dans les clairières morvandelles, tandis que les fonds de vallée concentrent les pâtures.

Une déprise agricole et une reconquête forestière

Depuis 1860, les espaces boisés se sont fortement développés sous l’effet de l’exode rural et de l’abandon des cultures de seigle et de sarrasin sur les terres de lande, fin XIXème, qui ont entraîné un enfrichement des replats en haut des pentes. Ces versants de micro-parcelles forestières, constitués généralement de sols ingrats, se couvrent de taillis peu productifs. On observe ainsi sur la photo aérienne la présence de nombreuses friches sur les hauteurs mais aussi sur des terrains pentus.

Les premiers enrésinements

Quelques taches plus sombres dans le manteau forestier révèlent la présence des premières parcelles de conifères, dont certaines représentent d’importantes superficies.

Morvan Oriental photo aérienne 2017  en grand format (nouvelle fenêtre)
Morvan Oriental photo aérienne 2017
Géoportail


 

La première impression que laisse la photo aérienne actuelle est celle d’un paysage qui semble brouillé, où les logiques d’implantation calées sur la topographie ont perdu de leur lisibilité.

Enrésinement et mitage forestier

Sous l’impulsion du Fonds Forestier National, les reboisements naturels et les plantations de résineux ont conduit à une progression forte des espaces forestiers. Par endroits, le manteau forestier semble mité par une multitude de petits boisements résineux dont les formes géométriques révèlent le parcellaire foncier. A d’autres endroits, des versants entiers ont été repiqués en doublas ou en épicéas. La gestion forestière par coupe rase de ces parcelles laisse des entailles dans le paysage.
Après la grande période d’enrésinement des années 1970-1980, les plantations se sont poursuivies mais à un rythme moins marqué, au détriment des plantations de feuillus qui sont mises à mal.

Elevage, recul agricole et fermeture du paysage

La modernisation de l’agriculture a conduit à l’abandon progressif de nombreuses terres agricoles difficilement mécanisables. Ce phénomène, particulièrement visible sur les hauteurs et sur les fortes pentes des vallées, entraine une fermeture progressive du paysage des clairières. La gestion des haies s’est également modifiée avec des haies que l’on laisse pousser dans les secteurs les plus éloignés des fermes, ce qui contribue à cloisonner le parcellaire agricole.
L’agriculture morvandelle s’est spécialisée dans l’élevage bovin viande, abandonnant toutes les cultures vivrières encore présentes dans l’après-guerre. Les prairies sont donc devenues très majoritaires, même si quelques cultures céréalières reviennent pour l’auto-alimentation du bétail.

Peu d’évolution urbaine

Les villages et hameaux n’ont que très peu évolué dans leurs emprises, même depuis la carte d’Etat-Major. Quelques bâtiments agricoles sont apparus mais les habitations neuves restent rares.

 

  ENJEUX PAYSAGERS

Morvan Oriental bloc-diagramme enjeux paysagers en grand format (nouvelle fenêtre)
Morvan Oriental bloc-diagramme enjeux paysagers


 

Maintenir les ouvertures agricoles des hauts et des fonds de vallée


 

Au sein des paysages forestiers du Morvan, chaque ouverture du paysage offre une respiration appréciable et prend une valeur importante. Situées en fond de vallée, sur des replats en hauteur ou sur les versants, ces clairières occupées par des prairies, apportent une tonalité lumineuse et permettent de retrouver des vues plus lointaines. Ceci est d’autant plus important qu’elles sont souvent habitées. Elles constituent alors un atout pour le cadre de vie. Le maintien de terres non boisées et d’une agriculture active constitue donc un enjeu important dans la perception de ce paysage de moyenne montagne. Il est également important d’y maitriser les développements urbains des villages et des hameaux. L’éviction des micro-boisements permet également d’éviter de brouiller la perception de ces ouvertures.

 

Pistes d’actions envisageables :
- Pérenniser l’ouverture des prairies de montagne par l’agriculture. Préserver des groupes de pâtures de taille suffisante pour conserver un attrait pour les agriculteurs.
- Mettre en place une gestion alternative en l’absence de reprise agricole.
- Remettre en prairie des parcelles de conifères qui ont grignoté l’espace ouvert.
- Maîtriser le foncier aux endroits les plus sensibles (fort impact visuel, lieux stratégiques, abords de villages).
- Surveiller la progression des friches et des micro-boisements, vecteurs de fermeture du paysage.
- Limiter la descente des boisements vers le fond de vallée. Eviter toute plantation forestière sur les prés en hauteur ainsi que dans les fonds.
- Restaurer la continuité des ouvertures dans les fonds de vallée. Remettre en contact les petites ouvertures proches.
- Ouvrir des vues depuis les routes suivant les fonds de vallée.
- Eviter le mitage par l’urbanisation au sein des clairières. Préserver les silhouettes groupées des villages et hameaux lors de la construction de nouvelles maisons.
- Renouveler des arbres isolés qui animent les prairies. Préserver les haies autour des prés.


 

Maitriser l’évolution des versants forestiers et les lisières


 

Historiquement la forêt et l’enrésinement se sont fortement développés à partir des années 60. Les versants forestiers sont très prégnants dans le Morvan. Ils constituent la toile de fond et la limite visuelle du paysage. Les ouvertures visuelles des clairières, offrant un peu de recul, permettent de les percevoir. Leur gestion a donc un fort impact dans le paysage. Par endroits des plantations de résineux affirment des formes géométriques calées sur le parcellaire cadastral, artificialisant le paysage. Cela est renforcé par leur coloration sombre en toutes saisons et leur port dressé qui focalise le regard. La taille des parcelles doit également être prise en compte pour éviter l’effet de mitage ou d’uniformisation des versants. La souplesse des formes et la diversité des transitions entre peuplements, des lisières variées et entretenues, sont autant d’éléments qui permettent d’obtenir des versants harmonieux. Les problèmes s’estompent dès lors que le peuplement retrouve une diversité, soit par des parcelles mixtes feuillus et conifères, soit par une gestion jardinée. Le traitement des lisières doit être différencié afin qu’elles ne soient pas trop opaques ou monotones. Le Morvan offre une échelle de perception limitée, privilégiant une découverte de proximité qui valorise un aspect plus « jardiné » et diversifié de la forêt.

Pistes d’actions envisageables :
- Analyser et identifier les versants les plus importants dans le paysage.
- Planter et gérer en tenant compte des formes générales du paysage et du relief.
- Tenir compte du relief. Ne pas pratiquer les coupes de régénération sur des surfaces géométriques calées sur le parcellaire : privilégier des plages d’intervention plus larges que hautes dont les formes s’accordent mieux avec celles des versants.
- Limiter les coupes à blancs et les boisements monospécifiques. Privilégier les peuplements de feuillus et les peuplements mixtes sur les versants les plus exposés visuellement.
- Raisonner le plan de régénération à une échelle suffisante. Eviter les trop petites parcelles qui créent un effet de mitage du versant.
- Etre vigilent sur les effets paysagers de la gestion forestière des crêtes.
- Eliminer les micro-boisements de conifères sur les versants ouverts.
- Créer des secteurs de transition (peuplement mixtes, essences variées) en limite des parcelles résineuses afin d’en atténuer l’impact visuel.
- Gérer les abords des boisements pour éviter les friches qui gomment les limites franches
- Mettre en place une réglementation des boisements.
- Composer le paysage du versant, en conservant des ouvertures agricoles en alternance avec la forêt sur des points stratégiques : crête, abords de hameaux, cols…
- Maintenir des lisières forestières de qualité le long des chemins et des routes. Privilégier les boisements mixtes ou feuillus sur les lisières les plus visibles. Eviter de planter uniquement des conifères en lisière.
- Prévoir une gestion différenciée de la lisière : augmenter la fréquence de l’élagage et des éclaircies des premiers rangs.


 
 

Pérenniser le maillage bocager


 

Le Morvan est riche d’un maillage de haies bocagères particulièrement bien entretenues. Leur aspect graphique anime les clairières des versants et les fonds de vallées, et forme un premier plan de qualité le long des routes et des chemins. Mais certains secteurs voient la création de très grandes parcelles de prés, où arbres et haies ont tendance à disparaître au profit du fil barbelé. Les jeunes arbres sont par ailleurs rares dans les haies. Les arbres isolés sont majoritairement âgés et mériteraient d’être renouvelés. Une attention particulière est nécessaire pour le maintien du bocage qui contribue à la richesse et à l’attrait indéniable de ces paysages.

Pistes d’actions envisageables :
- Remailler les prairies par des haies vives en cas d’ouverture trop importante.
- Planter des haies et des arbres le long des chemins ruraux et des routes.
- Maintenir un réseau de chemins agricoles sans cul-de-sac, surtout en périphérie des villages.
- Soigner l’entretien des haies.
- Inclure des arbres de haut jet dans les haies et notamment des châtaigniers emblématiques du sud Morvan.
- Conserver les haies dans les ruptures de pente pour éviter l’érosion.


 
 

Affirmer la présence de l’eau


 

L’eau est bien présente dans le Morvan Oriental mais elle reste finalement peu visible. Certaines vallées ont tendance à se fermer de même que les abords des rivières. L’eau, cet élément important du paysage mérite d’être mis en valeur. L’ouverture visuelle des fonds de vallée permet de révéler la présence des cours d’eau (passage de la ripisylve, visibilité des méandres). Le passage de l’eau donne un formidable atout aux espaces publics ou abords du village. Tout un petit patrimoine lié à l’eau mérite d’être mis en valeur : biefs, rigoles, fontaines, lavoirs, ponts, étangs… L’entretien des cours d’eau, leur accessibilité, la mise en valeur des ponts, la gestion des fonds et des ripisylves participent à produire un paysage attractif. Cela vient également appuyer la démarche Trame verte et bleue des liaisons écologiques.

Pistes d’actions envisageables :
- Ouvrir les abords des cours d’eau pour les rendre visibles dans le paysage. Maintenir des espaces ouverts en prairie près des cours d’eau.
- Supprimer les microboisements en fond de vallée.
- Mettre en valeur les points de vue sur la vallée et sa rivière.
- Gérer la ripisylve qui signale le passage de l’eau.
- Donner accès au cours d’eau. Créer ou rouvrir des chemins. Retrouver des emprises publiques le long des cours d’eau dans ou à proximité des villages.
- Ouvrir les abords des ponts qui constituent des points de découverte privilégiés.
- Utiliser l’eau comme élément fondateur des espaces publics dans les villages.
- Restaurer le petit patrimoine lié à l’eau avec un vocabulaire simple.


 

Soigner la qualité des bâtiments agricoles et de leurs abords


 

Dans le Morvan Oriental, l’activité agricole est dédiée à l’élevage. Cela implique dans le paysage la présence de hangars, accolés ou non aux fermes anciennes, ou en périphérie des villages. Les nouveaux bâtiments agricoles construits sont souvent en rupture avec les bâtiments anciens, en raison des mises aux normes ou de l’évolution des techniques. Leurs volumes, leurs matériaux ou leur couleur n’ont pas toujours fait l’objet d’une réflexion pour conserver une certaine harmonie avec leur situation et leur entourage. Leur localisation et leur qualité architecturale (volume, couleur…), ainsi que l’aménagement de leurs abords (plantations, chemin, transition avec les prés) peut participer à mieux inclure les nouveaux bâtiments dans le paysage.

Pistes d’actions envisageables :
- Eviter les implantations trop visibles : en crête, en entrée de village ou en bord de route.
- Soigner l’architecture des bâtiments (volumes, matériaux), fractionner les volumes.
- Privilégier des bâtiments de teinte sombre, plus discrets dans le paysage.
- Soigner l’entrée de la ferme. Planter des arbres isolés ou alignés le long du chemin d’entrée.
- Planter aux abords des bâtiments pour faire une transition avec le paysage. Utiliser des essences locales adaptées au contexte.
- Installer les stockages dans des lieux discrets en arrière-plan.


 
 

Valoriser les routes, les chemins et les belvédères


 

Dans ces paysages forestiers, les vues sont souvent limitées, ce qui peut entrainer une monotonie des perceptions. Les couloirs forestiers des longues traversées forestières peuvent paraître monotones. La gestion des lisières forestières le long des routes doit chercher à éviter de constituer des murs végétaux trop opaques ou uniformes afin de conserver un paysage attractif. Sur les versants, quelques routes ou chemins en balcon offrent des vues en belvédère qui doivent être maintenus par une gestion suivie de la végétation arborée. La mise en valeur des chemins de randonnée ou de balade, ainsi que la remise en état des chemins d’exploitation forestière, constitue également un enjeu important. Les nombreux évènements qui animent les parcours méritent d’être entretenus et mis en valeur : affleurement rocheux, arbre remarquable, source, franchissement d’un cours d’eau, point de vue sur la vallée ou le village, traversée de vallée, aire d’arrêt, franchissement d’un col…

Pistes d’actions envisageables :
- Retrouver et maintenir des points de vue depuis les hauts. Maintenir quelques points de vue ouverts lors des coupes forestières.
- Soigner les itinéraires en balcon en dégageant ou en préservant les vues.
- Eviter d’implanter les réseaux aériens du côté du point de vue.
- Gérer et moduler les lisières forestières le long des routes (transparence, variété, recul…).
- Maitriser la qualité des premiers plans le long des itinéraires.
- Mettre en valeur les carrefours.
- Dégager les tournants des routes en lacets.
- Soigner les abords des ponts (dégager la végétation, créer des aires d’arrêt).
- Dégager des points de vue sur l’eau.
- Mettre en valeur les petits évènements le long des parcours.
- Préserver et dégager des arbres remarquables en lisière.


 

Mettre en valeur le centre des villages


 

Le maintien d’un centre bourg animé avec des espaces publics de qualité joue un grand rôle dans l’attractivité et l’image de la commune. L’entrée du bourg doit marquer le passage de la route à la rue et donner une image positive annonçant la qualité interne des lieux. Dans ces environnements ruraux, il est important que l’aménagement de ces espaces publics conserve une belle simplicité. Certains villages ou bourgs sont au contact ou à proximité de l’eau, tissant des liens à mettre en valeur. Des actions pour restaurer et redonner vie aux habitations anciennes délaissées, plutôt que de systématiquement construire en périphérie du bourg, seraient à réfléchir. La construction d’un nouvel équipement ou la rénovation d’une mairie est aussi l’occasion de reconsidérer l’organisation du village. L’enjeu est de préserver ce qui a une valeur et de trouver une nouvelle harmonie avec les aménagements envisagés.

Pistes d’actions envisageables :
- Prendre en compte les logiques d’implantation du bourg dans son site, valoriser les éléments qui donnent au bourg son côté unique.
- Révéler le site d’origine d’implantation des village en fonction du relief ou de la présence de l’eau. Mettre en valeur les vues en belvédère au niveau des villages.
- Aménager les entrées pour marquer une transition vers le village.
- Préserver le cachet des places. Révéler l’histoire et soigner la qualité des aménagements.
- Utiliser l’arbre à bon escient pour structurer l’espace des entrées (alignement) ou des places (mail)
- Mettre en valeur les places. Trouver un équilibre entre stationnement et convivialité des espaces publics.
- Privilégier l’utilisation de matériaux locaux dans les aménagements et conserver une simplicité.
- Utiliser un vocabulaire simple mais de qualité pour les aménagements des espaces publics : sol sablé, pierre, arbres, pelouse, suffisent dans bien des cas à composer des espaces de qualité.
- Recomposer des espaces publics avec l’eau.
- Aménager des tours de villages attractifs en complément du centre ancien.
- Valoriser le patrimoine bâti dans toute sa diversité.
- Favoriser l’occupation des maisons anciennes délaissées. Redynamiser l’habitat en centre bourg.