Le bocage d’embouche par Pierre Goujon, 1992

publié le 11 juillet 2018 (modifié le 27 janvier 2019)

"Il y a plusieurs sortes de prés d’embouche. La nature des herbages varie selon le sol, l’humidité et l’exposition : la flore d’un pré d’excellente qualité est composée de 50 % de graminées, 40 % de légumineuses et 10% de trèfle blanc. Les prés sont entourés de haies qui servent de clôture et d’abri. Elles isolent les troupeaux, les protègent des vents, du froid et de la pluie. Les bœufs maigres commencent la saison d’embouche sur les prairies médiocres de plateau, alors que taurillons et génisses pâturent dans des prés d’alluvions bien exposés. Puis, tous sont envoyés sur les meilleurs Pâturages. Les prairies des « chambons » sont utilisées les quinze derniers jours avant la vente : elles ont la faculté de « dorer » l’animal dont le pelage prend des teintes rousses sur l’échine. C’est alors qu’il est prêt pour la vente. Il y a plusieurs cycles d’engraissement dans l’année. En mars, l’éleveur « charge ses prés » avec les jeunes bêtes de son élevage ou les animaux achetés à la foire. Il les vend au mois de juillet. Un nouveau troupeau, moins nombreux, qui sera vendu à l’automne, les remplace dans les embouches.
Achats et ventes se font généralement à la foire. Peu de transactions dans les étables ou dans les prés. Tout éleveur passe donc une partie appréciable de son temps à la foire : cela fait partie du métier, cela lui permet de se tenir informé des cours et du volume des transactions, c’est l’occasion de rencontrer marchands et amis. Se créent ainsi des réseaux d’affaires et d’amitié. Les foires sont nombreuses : par exemple, en 1852, il y en a 73 dans l’année dans les quatre cantons du Brionnais. Les douze foires de Saint-Christophe-en-Brionnais sont les plus importantes et les plus connues. En mars et avril, les éleveurs vont acheter les bêtes maigres destinées à l’embouche. Les animaux gras sont vendus aux foires de juin et de juillet. Sur les champs de foire d’octobre se côtoient les bœufs gras et jeunes élèves que les emboucheurs nourriront à l’étable jusqu’au printemps prochain. L’argent circule, les profits s’amassent, tout le monde en profite : les grands propriétaires qui perçoivent les fermages ou reçoivent la moitié des revenus de leurs métairies, les emboucheurs qui sont les moteurs de cette économie spéculative, les petits et moyens propriétaires eux-mêmes qui, plus aisés, vivent mieux et agrandissent leurs domaines."

La Saône-et-Loire de la préhistoire à nos jours. Pierre Goujon, 1992. Éd Bordessoules