DÉCOUVRIR LES PAYSAGES DE SAÔNE-ET-LOIRE
 

Les pôles d’attractions historiques

publié le 30 juin 2018 (modifié le 4 avril 2019)

Histoire

Les pôles d’attraction du département résultent de la géologie tourmentée, ou de leur position charnière sur l’axe Rhin Rhône et cela, dès la Préhistoire. Le seuil qui relie la Loire à la Saône par les collines du Charolais et du Mâconnais prend de l’importance à plusieurs reprises dans l’histoire.

Les premiers hommes viennent chercher le gibier et le poisson dans le Val de Saône, tandis que les reliefs découpés de la côte et de l’arrière-côte leur fournissent des gisements de silex et plus tard, du minerai de fer. Les limons fertiles du pied de côte sont défrichés à l’apparition de l’agriculture.

Eduens et burgondes
Les Eduens, un peuple celte, s’installent d’abord dans le grand secteur avec pour capitale Bibracte. Après la guerre des Gaules, ses élites gallo-romaines font d’Autun une capitale majeure au pied du Morvan. Au cinquième siècle, des envahisseurs germains doués pour la diplomatie établissent un royaume éphémère de Genève à la Loire qui sécurisera les échanges entre régions méditerranéennes et le Nord de la Gaule. Leur nom restera dans l’histoire : les Burgondes. Lorsque les francs font basculer le pouvoir au nord, le duché de Bourgogne résistera longtemps mais sera petit à petit grignoté par la couronne de France, et le centre de gravité politique se déplacera vers Dijon.
En 843, le traité de Verdun positionne la Bresse dans le monde germanique, bien qu’étant de langue d’oïl. Elle sera politiquement rattachée à la Savoie, et ne rejoindra le royaume de France qu’en 1601.

Le pouvoir monastique
Au Xe siècle, les seigneuries se structurent autour de monastères et d’abbayes, souvent royales -Marcigny, Tournus-. Les vignobles d’abbayes, implantés dès le haut Moyen Âge, prennent de l’importance entre le XI et le XIIIe siècle pour fournir la cour des papes d’Avignon. Au XIIe siècle, Citeaux puis Cluny deviennent des pôles majeurs des mondes franc et germanique. Leur rayonnement est religieux mais également entrepreneurial, multipliant des abbayes soutenues par d’importants financements.

L’essor des villes
Les villes, implantées dès la préhistoire sur des passages à gué incontournables, profitent des investissements et de la paix royale instaurée par Louis XIV. Elles s’affirment comme plateformes commerciales, lieux de confrontations culturelles, religieuses, politiques : vers le monde germanique et savoyard pour les villes sur la Saône, vers l’Aquitaine pour les villes sur la Loire. Au fil des aménagements de canaux, les vins locaux seront acheminés vers Paris et vers le pays rhénan. Chalon-sur-Saône l’ouvrière, en particulier, exploitera un temps sa position de transbordement entre voie fluviale et terrestre. Les villes de la Saône connaîtront une apogée dans le siècle entourant la révolution, avant d’être détrônées par le chemin de fer.

Dans le siècle qui suit, les petites terres prisées pour la céréale sont délaissées au profit des grasses prairies des collines marneuses et sableuses. Le modèle charolais s’impose pour engraisser des bêtes à viande expédiées vers Lyon puis vers Paris. Un pôle sidérurgique s’établit entre Montchanin, Montceau-les-Mines, le Creusot. Le vignoble s’étend. Un nouveau paysage politique se dessine entre les villes nouvelles ouvrières, les villes portuaires historiques sur la Saône ; les vignobles de petits propriétaires républicains tranchent avec la Bresse plus conservatrice et surtout avec les grands domaines de l’Ouest où l’emprise religieuse reste forte.

Le déclin rural
Au début du XXe s, le mouvement de population s’amorce vers les villes, accéléré par la crise du phylloxéra. Après-guerre, les filières viande et les pôles sidérurgiques perdent beaucoup d’emplois. Le dépeuplement est brutal dans le Morvan et dans la Bresse louhannaise. Les terres alluviales prennent de la valeur avec l’arrivée du maïs hybride en particulier en Bresse. Le vignoble se replie sur les AOC tandis que dans les années 1990, les champs se colorent de jaune avec le tournesol, et le colza sur les petites terres. L’autoroute, puis le TGV tendent à détrôner les anciennes villes-étapes qui s’entourent en revanche de zones commerciales et de lotissements.

  De la préhistoire au "pagi" gaulois

La roche de Solutré  en grand format (nouvelle fenêtre)
La roche de Solutré
La station préhistorique la plus célèbre de Saône-et-Loire occupe une plate-forme sur un éboulis de pente au pied d’une de ces falaises caractéristiques de la Côte Mâconnaise. Ce site a donné son nom, le Solutréen, à une civilisation aux outils et armes de silex réputés pour la qualité de leur facture et présents également dans le Sud-Ouest de la France.


 

Le corridor de la Saône

Carte des sites préhistoriques de Saône-et-Loire  en grand format (nouvelle fenêtre)
Carte des sites préhistoriques de Saône-et-Loire
L’axe de la Saône et les côtes calcaires qui le dominent, concentrent la majeure partie des sites préhistoriques connus en Saône-et-Loire. Source : La Saône-et-Loire de la Préhistoire à nos jours. Goujon 1992

Ce corridor, qui a toujours été l’un des plus passants d’Europe, reste aujourd’hui la vitrine du département. Les premiers hommes chasseurs et pêcheurs semblent avoir trouvé un premier pays de cocagne dans les vallées de la Saône et de la Loire, sites de pêche et voies de passage de troupeaux, sites défensifs côté Saône dans les grottes des "côtes" de karst.
Les premiers villages s’implantent dans les grandes vallées, à proximité des passages à gué.











Le site préhistorique

L’activité humaine débute à Solutré vers 22 000 ans avant notre ère. C’est la période paléolithique, l’homme est encore nomade, 4000 ans encore avant les peintures de Lascaux. Ces communautés de chasseurs de grand gibier trouvent sur ces sites des gisements de silex pour leurs armes. Ils trouvent ce silex à flanc des éperons rocheux, dans les argiles à chailles des couches de roches jurassiques. Les chocs de l’ère tertiaire ont basculé des copeaux de croûte terrestre, et ont ainsi généré de véritables carrières à ciel ouvert sur les flancs des éperons rocheux. Ces éperons constituent en outre des obstacles contre lesquels se regroupent sans doute les troupeaux d’animaux en migration après les hivers.
Vers 4200 ans avant notre ère, des communautés commencent à se sédentariser. Des pécheurs et des chasseurs s’implantent dans la vallée de la Saône, et commercent avec des méditerranéens. Le site de Chassey-le-Camp, près de Chagny sur un replat rocheux, a donné le nom à cette civilisation dite du chasséen qui courait dans le sud de la France et jusque l’actuelle Croatie.
Vers 3000 av. J.-C., la civilisation dite de Saône-Rhône développe des échanges importants avec tout le pays rhénan.
Vers l’an -1000, les communautés comme celle du village d’Ouroux-Marnay, découvert sous 2.5 m de graviers, se rattachent à la civilisation dite de Hallstatt.
200 ans plus tard, le site défensif du mont Beuvray est renforcé de premiers remparts de pierre et de bois. Ces peuples commencent à pratiquer l’élevage et un peu d’agriculture, et sans doute à défricher la région. Sur les limons fertiles apparaissent les premières campagnes habitées avec leurs cités.

Le site celte de Bibracte

Le mont Beuvray, vu de puis St-Prix  en grand format (nouvelle fenêtre)
Le mont Beuvray, vu de puis St-Prix
Bibracte, implanté sur le mont Beuvray, qui culmine à 821 m d’altitude dans le Morvan, était le plus grand et le plus riche des cinq oppida des Eduens : Bibracte, Mâcon (Matisco), Chalon (Cabillonum), Décize (Decetia) et Sancerre (Gortona). Source : La Saône-et-Loire de la Préhistoire à nos jours. Goujon 1992


 

Au sixième siècle avant notre ère, un peuple celte, éleveur et agriculteur, s’implante dans les vallées et les plaines limoneuses de tout le grand secteur entre Loire et Saône. Il est mené par Bellovèse, son chef.
Les Éduens établissent une confédération à l’ouest de la Saône et installent leur principal oppidum à Bibracte, perché sur le mont Beuvray. Les Boïens s’installent dans le Bourbonnais, les Sénons vers Sens, les Ségusiaves dans le Lyonnais et les Séquanes à l’est de la forêt bressane. Les Eudens font de la région un cœur du pays celte, déjà administré par chefferies qui préfigurent les pagi gaulois.
Les demeures de maîtres Eduens sont établies sur les légères buttes, appelées des meûrots, dont il reste de nombreuses traces dans les noms de lieu dits. Ces peuplades de souche indo-européenne sont administrées par une aristocratie guerrière et commerçante, appuyée par une classe religieuse et servie par une classe paysanne.
Les celtes sont divisés en nombreuses tribus rivales. César rapporte des conflits autour des droits de péage dans les gués et les ports. La victoire des Séquanes dans un premier temps, appuyés par le chef germain Arioviste, provoquera l’appel à l’aide envers César de la part de chefs Eduens et Séquanes. Cet épisode sera le déclencheur de la guerre des Gaules et de l’invasion romaine.
L’oppidum de Bibracte s’affirme comme une capitale avec des places de marché, des artisans, des écoles. En temps de guerre, une foule de réfugiés fournit autant de soldats, selon un schéma qui perdurera jusqu’au Moyen Âge.

 

  200 avant JC : les Eduens, à la charnière des gaulois et des romains

Autun ville gallo-romaine : porte, théâtre et temple de Janus   en grand format (nouvelle fenêtre)
Autun ville gallo-romaine : porte, théâtre et temple de Janus
A gauche, la porte d’Arroux vue de l’extérieur. Largeur : 16.70 m. La partie inférieure est percée de deux grandes portes destinées aux véhicules et fermées par des herses, et de deux portes latérales pour les piétons. Au-dessus court une galerie dont sept arcades sur dix sont conservées.
Au centre, le théâtre. Vue générale de la cavea. Avec un diamètre de 148 m et une contenance d’au moins 20 000 spectateurs, c’est le plus grand théâtre qallo-romain construit au 1er siècle. La cavea comprenait trois étages de gradins, dont deux subsistent. Les gradins étaient portés sur des voûtes. On accédait à la cavea par des escaliers souterrains partant du haut et débouchant au milieu des gradins.
A droite : Au nord-ouest de la ville, extra muros, s’élève les ruines d’un des plus célèbres monuments d’Autun, le temple « dit de Janus », bâti à l’époque romaine (Ier siècle), mais reproduisant le plan d’un sanctuaire gaulois (janum) composé d’une cella entourée d’une galerie de circulation. Source : La Saône-et-Loire de la Préhistoire à nos jours. Goujon 1992


 

Le peuple celte de cette région sera l’un des 60 peuples gaulois identifiés par César lorsqu’il déclenchera la guerre des gaules. Il les nomme Aedui, "les ardents" en latin ; ce nom leur restera comme les Éduens. Leurs chefs feront alliance avec Rome et leurs cités prendront rapidement un aspect gallo-romain. Bibracte dans le Morvan, puis sa petite sœur Autun constituent d’abord un carrefour entre les mondes romain et gaulois.
Autun devient l’une des principales villes de Gaule : administrative, universitaire. Chalon s’appelle alors Cabillonum, et Mâcon Matisco. L’ensemble de ces cités devront faire face aux convoitises des germains et perdront leur protecteur lors du déclin de Rome.

 

La relique gallo-romaine

Autun : tracés gallo-romains d'Augustodunum et ville actuelle  en grand format (nouvelle fenêtre)
Autun : tracés gallo-romains d’Augustodunum et ville actuelle
Dès l’origine, Autun fut entourée d’un rempart long de 6 km, aujourd’hui encore très largement conservé. Renforcé par 54 tours circulaires construites à espaces réguliers, ce rempart apparaît plutôt comme jouant le rôle de mur de soutènement par rapport à la plate-forme artificielle sur laquelle est établie la ville. D’ailleurs, en période de paix romaine, Autun n’avait nul besoin d’un système défensif qui lui soit propre. Quatre portes étaient percées dans le rempart : la porte d’Arroux au nord et la porte Saint-André à l’est, les deux seules conservées ; la porte de Rome au sud et la porte Saint-Andoche à l’ouest. Elles étaient situées au débouché des deux voies principales de la ville, l’une de direction nord-ouest-sud-est, le cardo maximus, dont trois tronçons ont été récemment découverts entre la porte de Rome et la porte d’Arroux, révélant une rue pavée large de 8 m et bordée à l’ouest par un portique monumental (peut-être l’un de ceux que les Panégyriques signalent à Autun), l’autre perpendiculaire, le decumanus maximus, mais formée de deux tronçons désaxés en raison, sans doute, de la présence du forum au centre de la ville. A partir de ces deux axes, il fut procédé à un découpage en îlots (insulae) réguliers qui ne furent entièrement occupés qu’au IIe siècle. Source : La Saône-et-Loire de la Préhistoire à nos jours. Goujon 1992

L’allégeance à Rome est désormais établie, et pour longtemps. Elle ne va cependant pas de soi, et tous les Éduens ne font pas bloc pour César. En -52, l’armée des Éduens partie pour soutenir César retourne sa veste en chemin, et se joint à la révolte gauloise de Vercingétorix.
César commencera pourtant à écrire la guerre des Gaules depuis Bibracte, dès l’année suivante. Il positionnera une légion également à Mâcon.
En 48, des chefs Éduens seront les premiers notables gaulois à siéger au Sénat à Rome. L’empereur Claude déclare que « seuls parmi les gaulois, ils prennent de nom de frère des romains ». Cela n’empêchera pas 20 ans plus tard un grand soulèvement gaulois contre Néron, impliquant les Éduens. Pendant longtemps, seules les élites gauloises bénéficient du statut de citoyen romain dans les provinces conquises. Ce n’est qu’en 212 qu’un édit accorde au peuple la citoyenneté romaine.
La muraille romaine initiale d’Autun reste très structurante et emblématique de la ville. 15 ans avant notre ère, elle ceinture la ville nouvelle sur 6 km, jalonnée de tours. Cette capitale du monde gallo-romain conserve aujourd’hui des monuments remarquablement conservés : théâtre, amphithéâtre, temple, stèles de cimetière. Mâcon sera ceint d’un rempart plus tard, en l’an 110.





















Les voies et la trame cadastrale au carré des romains

Les routes éduennes et l'étoile routière d'Autun  en grand format (nouvelle fenêtre)
Les routes éduennes et l’étoile routière d’Autun
Deux grandes routes d’Agrippa tracées au départ de Lyon traversaient le territoire éduen : d’une part, la route du Rhin qui remontait la vallée de la Saône par Mâcon et Tournus jusqu’à Chalon, avant de s’en éloigner en direction de Langres et des camps de la frontière du Rhin ; d’autre part, la voie de l’Océan dont le tracé était commun avec la précédente jusqu’à Chalon, puis se poursuivait vers Autun, Auxerre, jusqu’à Boulogne. Mais, outre ces voies, tout un réseau de routes, dont beaucoup étaient d’origine protohistorique, formait une étoile routière reliant la nouvelle capitale aux chefs-lieux voisins. Source : La Saône-et-Loire de la Préhistoire à nos jours. Goujon 1992

Autour de la ville d’Autun rayonne une étoile de voies qui montrent l’importance de la ville à l’époque gallo-romaine. La plupart de ces tracés a d’ailleurs perduré de nos jours.
Le quadrillage systématique initial de la trame cadastrale n’est plus vraiment lisible que par un œil très averti dans le centre-ville des cités fondées par les romains, comme Autun.
Dans la gaule romaine, la ville est une place commerçante ; la sécurité est assurée par une puissante garnison.
Autun, "ville d’Auguste", délocalise Bibracte à un carrefour de routes et de rivières dans la plaine. Chalon devient une plateforme commerçante, avec son port de transbordement de chalands vers des chariots terrestres qui emportent la marchandise vers la Seine, le Rhin.

En 313, l’empereur Constantin autorise la religion chrétienne. Dès l’an 350, le christianisme s’implante localement et Saint-Martin prêche dans le pays Éduens. En 400, Autun appartient à la province de Lyon dans le diocèse des Gaules.













  Vème siècle : les Burgondes, diplomates entre "barbares" germains et latins

Le nom de "Bourgogne"

La Bourgogne doit son nom aux Burgondes, peuple germanique qui, dans la seconde moitié du Ve siècle, fonde un royaume s’étendant au nord jusqu’à Langres, à l’ouest jusqu’à la Loire.
Leur origine lointaine vient de la mer Baltique 200 ans avant J.-C. Il semble qu’ils ont été contraints à migrer d’abord en Poméranie (Pologne) à la fin du premier siècle, avant de fonder un royaume dans le secteur de Mayence au cinquième siècle. C’est Aetius, un officier romain, qui en 436, pactise avec eux après les avoir vaincus. Il leur octroie la région de Genève, encore inculte. C’est depuis cet embryon de Savoie qu’ils développeront le royaume burgonde au début du sixième siècle.

Les Burgondes s’installent à l’ouest du Rhin entre 458 et 500. Clovis les attaque d’abord sans succès, puis se résout à un accord : les Francs acquièrent Auxerre, les Burgondes conservent Nevers, alors érigé en diocèse distinct (vers l’an 500).
Leur domination politique sera limitée à quelques décennies car les francs s’imposeront avec la victoire des fils de Clovis dès 534, qui incorpore le royaume burgonde à celui des Francs.
Entre-temps, les Burgondes auront eu le temps de s’affirmer comme d’excellents diplomates, pacifiant les relations entre les barbares et Rome dans tout l’est de la Gaule, et permettant ainsi le rétablissement d’échanges commerciaux.
Après le partage de l’Empire carolingien (traité de Verdun, 843), le pays à l’ouest de la Saône conservera le nom de Burgondie. Les Burgondes auront ainsi laissé leur nom au comté, puis au duché, puis à la région de Bourgogne.

  VIème siècle : la Burgondie des francs, puis des mérovingiens

Les francs mettent fin à la domination des Wisigoths et des Burgondes, en les défaisant militairement respectivement en 511 et en 534. Le nouveau roi, Gontran, s’installe à Chalon. Le centre de gravité politique bascule vers le nord et le Bassin parisien. Localement, ce sera le début d’une prééminence de Dijon sur Chalon-sur-Saône. La langue Burgonde s’effacera environ 100 ans plus tard.
Au huitième siècle, les seigneurs locaux doivent affronter des raids musulmans venus d’Espagne. Dans la foulée de la célèbre bataille de Poitiers en 732, de nombreux conflits armés, en Bourgogne comme ailleurs, dévastent des villages et effacent d’anciennes implantations romaines, mérovingiennes. Charles Martel, le grand-père de Charlemagne, impose ses hommes à la tête des cités.
Pour les villageois, ces changements de rattachement des élites modifient sans doute peu les droits et devoirs vis à vis du seigneur local. Le droit latin, par exemple, perdure dans le Mâconnais.

L’abbaye mérovingienne

Des communautés religieuses commencent à s’installer autour de tombeaux de saints ; ils formeront souvent de futurs sites d’implantation d’églises et de villages. L’abbaye de Tournus, par exemple, s’installe sur un sanctuaire votif ancien. Elle est fondée en 550, de l’initiative du roi de Bourgogne Gontran, mais ne se développera réellement qu’au neuvième siècle, lors de la renaissance carolingienne.

  VIIIème siècle : la Bourgogne carolingienne et son délitement au Xème siècle

En 751, Pépin le Bref inaugure le règne des carolingiens. La Burgundia reste une unité confuse, inégalement rattachée au roi franc. 100 ans plus tard, en 843, l’empire de Charlemagne est découpé en trois par le traité de Verdun. La Saône s’affirme, et pour longtemps, comme la frontière orientale de la Francia Occidentalis, confiée au duc de Bourgogne, tandis que la Bresse bascule pour longtemps dans l’univers savoyard et au-delà, germanique.

L’abbaye romane

L'abbatiale de Cluny, le clocher de l'Eau-Bénite  en grand format (nouvelle fenêtre)
L’abbatiale de Cluny, le clocher de l’Eau-Bénite
De la grande abbatiale, démantelée après avoir été vendue comme bien national en 1798, seul subsiste le bras sud du grand transept, possédant encore une des grandes tours de l’église.

L’aristocratie carolingienne fonde de nombreuses maisons religieuses, généralement sous la règle de saint Benoît, pour affirmer son autorité territoriale. Chaque abbaye est donc sous l’autorité d’un comte local, chargée de prier pour le salut des aristocrates morts, et d’assurer une forme de paix sociale et militaire autour d’elle.

Cluny fut au centre du plus important réseau de monastères de tout le Moyen Âge. Le succès de Cluny, qui essaima dans toute la chrétienté latine, était dû à son émancipation du pouvoir seigneurial et épiscopal, mais aussi à l’action de ses abbés, qui connurent une longévité exceptionnelle. Sa situation géographique, à la charnière entre Europe du Nord et du Sud, entre royaume de France et Empire, était également favorable. L’abbaye constitue un foyer intellectuel et culturel important du Xe au XIIe siècle. Cluny est aussi un centre d’études de premier ordre. L’apogée du rayonnement de Cluny est la seconde moitié du XIe siècle ; le pape Urbain II sera lui-même un ancien moine de Cluny.
Le rayonnement de l’abbaye de Cluny s’affaiblit progressivement devant la montée d’autres ordres religieux, cisterciens, puis mendiants au XIIIe siècle.

L’abbaye de Cîteaux, au sud de Dijon, fondera en quelques décennies plus de 2 000 monastères « cisterciens », répartis à l’échelle européenne entre le royaume franc et l’empire germanique, et jouera un rôle déterminant dans les premières croisades (en 1100) mais aussi dans la reconquista en Espagne. Les abbayes poussent les ducs et les comptes de Bourgogne à s’engager dans ces guerres, et à consacrer une partie des butins – en particulier de l’or espagnol - au salut de leurs âmes en leur faisant des dons, en leur achetant des indulgences et des ex-voto de remerciement d’avoir eu la vie sauve.
L’abbaye cistercienne de la Ferté sur Grosne est fondée en 1113.
Cette histoire a fait l’objet des travaux de Georges Duby à la fin des années 1940.

Le château

Château de Berzé-le-Chatel  en grand format (nouvelle fenêtre)
Château de Berzé-le-Chatel
Contrôlant la route de Cluny à Mâcon, la forteresse de Berzé était le siège d’une des principales seigneuries du Mâconnais.


 

Dès la fin du neuvième siècle, de nouveaux seigneurs affirment leur puissance, multipliant les coups de force militaires vis-à-vis du roi carolingien. Ils construisent des châteaux, aussi bien du côté germain (Bresse) que du côté franc. La premier château est souvent encore en bois, entouré de fossés, et préfigurera souvent un château réalisé cette fois en pierre 200 ou 300 ans plus tard.

L’église romane

L'église romane  en grand format (nouvelle fenêtre)
L’église romane
De nombreuses églises romanes marquent de leur silhouette, emprunte de modestie, les villages et hameaux. A gauche, église de Suin : clocher et abside du XIIème siècle. Au centre, Ameugny : le chevet et le clocher datent de la fin du XIe siècle, la nef de la fin du XIIe siècle. A droite, Eglise romane du hameau de Besanceuil (Bonnay) datant du XIème siècle.


 

Au Xe siècle, l’aristocratie carolingienne peine de plus en plus à s’imposer face à de nouveaux seigneurs : Bourbon-Lancy, Semur-en-Brionnais, Couches… L’église est prise en tenaille entre ses pouvoirs. C’est à Verdun-sur-le-Doubs, en 990, qu’est rédigé un pacte de non-agression pour limiter les dégâts collatéraux de ces guerres privées sur les villages et sur les abbayes.

  XIème siècle : la naissance du duché de Bourgogne, à la charnière entre royaume franc et pays méditerranéens

Le point de départ du futur duché de Bourgogne remonte à 880 quand Richard, comte d’Autun, devient duc de Bourgogne.

Le petit pays de caractère

Durant tout le siècle de l’an mil, les comtes prennent leur indépendance vis-à-vis du roi. Ils établissent une vassalité locale en distribuant des fiefs, des seigneuries, des terres ecclésiastiques. Ce faisant, leur administration locale, par comté, ravive une logique qui n’a jamais totalement disparu depuis l’administration romaine.
Il faudra attendre le XIIe siècle pour qu’un nouveau pouvoir central s’affirme, en s’appuyant sur des alliances entre le duc de Bourgogne, les évêques et les grands barons. Simultanément, les luttes d’influences s’exacerbent entre le roi et les ducs. Progressivement, le roi pousse ses pions et se rattache de plus en plus de seigneuries, aristocratiques ou ecclésiastiques tandis que les ducs multiplieront de leur côté les enclaves dans le royaume de France jusqu’à la fin du XVe siècle.
En 1317, la Bresse rejoint la Bourgogne par une alliance entre le duché de Bourgogne et de Comté (Franche-Comté). Cela lui permettra de développer des échanges commerciaux alentour, une dynamique qui sera brisée 200 ans plus tard par les guerres de religion.
À la fin du XVe siècle, éclatent localement les guerres du Charolais, qui se soulève contre le roi. La région subit également des invasions suisses et allemandes.
La Réforme interviendra dans ce contexte au siècle suivant. Les conflits religieux seront particulièrement vifs dans les villes de la Saône et en Bresse.

Ces aller-retours entre pouvoir local, pouvoir régional et pouvoir central traversent toute l’histoire du secteur. On pourrait tenter de voir dans les « pagi » celtes et gaulois une préfiguration de nos départements actuels, car l’échelle géographique était à peu près celle-ci. Mais l’image a ses limites, car les celtes n’avaient pas vraiment d’organisation administrative ni de sentiment d’appartenance à un ensemble plus large ; la mythologie aujourd’hui familière des gaulois unis face à l’envahisseur résulte de la propagande nationaliste de la fin du XIXe siècle davantage que d’une réalité d’un grand poids historique.
La guerre des Gaules a certes amené les élites gauloises à réagir en commun face à la domination romaine. Le sentiment d’une filiation gauloise semble s’être estompé lors des invasions germaniques. Autour de l’an mil en revanche, les élites franques, bien qu’étant elles-mêmes filles d’envahisseurs, reprennent souvent à leur compte une entité de « Francia gallica », une France gauloise.
L’organisation administrative romaine divisait ces « pagi » en plusieurs sous-ensembles. Cette échelle d’administration traversera les nombreuses tribulations politiques jusqu’au XIe siècle, et déterminera assez largement les futurs comtés, unité administrative de l’ancien régime jusqu’à la révolution. Cette échelle a certes été effacée par l’administration républicaine à la révolution, mais les dénominations nous sont restées familières : Charolais, Bresse, Mâconnais, etc.

L’abbaye du duc

Cluny affirme une position de plateforme au XIe s quand son rayonnement s’étend sur toute l’Europe chrétienne, franque et germaine. Ses moines accompagnent l’établissement des paroisses et du pouvoir féodal.
Le secteur fera l’objet de nombreuses luttes d’influence, guerrières mais aussi diplomatiques en particulier autour du contrôle de grandes abbayes. Les seigneurs locaux cèdent du terrain face au roi burgonde au fil de nombreuses péripéties qui n’ont pas cessé depuis que Gontran, le premier roi franc, en 550, avait fondé l’abbaye de Tournus.
A partir du XIIe s, ce seront les ducs de Bourgogne qui, à leur tour, céderont petit à petit de l’influence aux rois bourbons de France.

La cathédrale

La cathédrale d’Autun est inaugurée par l’installation des reliques de Saint Lazare en 1147.

  XVII - XIXe s : l’intégration dans la France et l’heure de gloire de plusieurs petits pays

En 1602, Henri IV rattache au royaume de France à la fois la Bresse et le Bugey, qui parlent un patois français. Cela ne lui permettra pas cependant d’échapper à la guerre de 10 ans en Franche-Comté, de 1635 à 1644 qui peut être à assimilée à un épisode de la guerre de 30 ans qui vient du côté germanique. Beaucoup de villages de Bresse sont effacés de la carte, et les habitants sont souvent massacrés.
En 1678, Louis XIV rattache la Franche-Comté à la France. La Saône, et donc Chalon-sur-Saône, Mâcon, perdent définitivement leur caractère de frontières du royaume.
Les états de Charolais perdurent jusqu’en 1761, quand Louis XV parvient à les acquérir en totalité, réunissant l’ensemble des bailliages des comtes et du roi.
Le progrès agricole et commercial s’affirme autour de notables locaux. A la veille de la révolution, le diocèse d’Autun perpétue une bonne partie de l’antique territoire des Eduens tandis que le secteur reste une charnière entre le sud et le nord de la France. Mâcon et sa région, en particulier, restent une forme de sous-État au sein de la province de Bourgogne. Le droit y est écrit, comme dans les régions latines, tandis que le reste de la Bourgogne est de droit coutumier comme dans tout le Nord de la France.

Le département de Saône-et-Loire

Carte du département de la Saône et de la Loire 1795.  en grand format (nouvelle fenêtre)
Carte du département de la Saône et de la Loire 1795.
Archives départementales de Saône-et-Loire

Lors de la révolution française, le département s’affirme globalement comme ouvert aux idées républicaines, et en particulier le Val de Saône, ce qui rattache ce secteur plutôt à la France du Nord. Même dans la grande région bourbonnaise, moins d’un tiers des curés sont réfractaires. Derrière cette tendance générale, de forts contrastes vont s’affirmer lors des élections de la IIIe République. Des secteurs conservateurs comme le Beaujolais, la Bresse louhannaise, le Charolais, dénotent dans un ensemble plutôt républicain tandis que l’ouest Bourbonnais, qui reste en retrait du développement économique, s’affirme fidèle à la gauche et le restera jusqu’aux élections de 1978. Certains auteurs y voient la marque d’un modèle familial communautaire.
La prééminence de Dijon s’affirme tout au long de la fin 19e s et du 20e au détriment de Macon et surtout de Chalon-sur-Saône. En 1850 déjà, le nœud ferroviaire majeur avait été positionné à Dijon.
En 1982, François Mitterrand fraîchement élu, fait de Solutré un lieu de pèlerinage très médiatisé.

La ville port du val de Saône

Après qu’Henri IV ait rattaché la Bresse à la France en 1601 et que Louis XIV ait imposé une paix civile à l’ensemble de la région, les villes de la Saône perdent leur caractère de villes frontière.
Dès la fin des guerres de religion et surtout au XVIIe s, les villes fluviales de la Saône et de la Loire connaissent un fort développement à la fois commercial et politique. Les notables, avec l’aide du roi, financent de grands travaux. Ils aménagent des quais de transit pour assurer la bascule entre le transport fluvial et terrestre. Au XVIIIe siècle ce sera le tour des premiers canaux.

La ville frontière du val de Saône

Bien que le val de Saône soit formellement français depuis cette époque, son caractère de frontière avec le monde germanique connaîtra encore d’importants soubresauts. Chalon sera occupée une dernière fois, à deux reprises, par l’armée antirévolutionnaire autrichienne en 1814 et 1815.
Dernier avatar de cette position, le département est coupé en deux par la ligne de démarcation de 1940 à 1942.
Les moines de Taizé, à leur tour, revendiqueront après-guerre une référence à "l’esprit transfrontalier de Cluny". Le protestant Roger Schultz fonde cette communauté en 1940, à proximité de la ligne de démarcation. Il y entrevoit aussi une tête de pont pour le passage de réfugiés vers la zone libre. Après-guerre, ce site deviendra une vitrine européenne du département avec 40 000 visiteurs par an. Il deviendra un pôle emblématique de la réconciliation franco-allemande, catholico-protestante, puis de l’ouverture aux pays de l’est. On peut y voir une continuation de la tradition "franquo-germanique" de Cluny.

Le décollage de la Bresse

Jusqu’en 1601, la Bresse, fait partie des Etats de Savoie. On y parle un patois franco-provencal. La Bresse était sortie exsangue de troubles religieux jusqu’au milieu du XVIIe s. Lors de la grande famine de 1636 qui fait suite aux massacres de 1635, le chroniqueur Girardot de Nozeroy rapporte même de nombreux cas d’anthropophagie. En 1650, beaucoup de survivants ont émigré et le pays n’a reçu aucune infrastructure depuis 50 ans.

Une fois la paix royale rétablie sous Louis XIV, les investissements reprennent. Des campagnes d’assèchement réduisent le nombre et la surface des étangs.
Dès 1700, sa volaille est réputée. Les exploitations sont certes petites, peu rentables ; les labours se font en ados pour "égoutter" la terre.
La modeste Bresse et le fier Mâconnais sont dépendants l’un de l’autre. Les gens de Tournus vendent leur vin et achètent leur nourriture au Bressans. Au point qu’un chroniqueur rapporte qu’ "il ne se passe pas un hiver sans que l’une ou l’autre province souffre d’une disette réciproque par le défaut d’un pont".
La Bresse connaît un développement économique important tout au long du XVIIIe s. La population y est dense depuis longtemps, aussi dense que dans le Mâconnais, mais le niveau de vie dans ses hameaux dispersés reste faible comparé à celui des beaux villages groupés de la côte.

A la veille de la révolution, le maïs est devenu une culture majeure en Bresse. Parmentier, qui ne s’est pas intéressé qu’à la pomme de terre, affirme que "le blé de Turquie (le maïs) est une des productions les plus importantes de Bresse".

Le vignoble et sa "démocratie rurale"

Si la vigne est une culture universellement répandue dans les fermes depuis l’antiquité pour la consommation locale, l’histoire de chaque "vignoble" est un terroir spécialisé exportant de grosses quantités de vin vers des clientèles nombreuses et si possible aisées.
Voir le chapitre retraçant l’histoire des vignobles du département.
Dès le XVIIe s, le vignoble de la Côte appartient en grande partie à la noblesse de robe et la bourgeoisie dijonnaise. Il reste de taille modeste, subdivisé en minuscules terroirs (les « climats ») ; cela permet une spéculation sur les crus de qualité, qui se négocient surtout à Beaune. Dès 1780, ce vin est exporté jusqu’à Paris et Londres.
En 1850, au moment du pic de la population rurale en France, les vignobles appartiennent pour une bonne part à la bourgeoisie urbaine et elle emploie une grande quantité de main-d’œuvre. L’amélioration des routes permet désormais d’approvisionner Paris et Lyon avec les vins ordinaires du Beaujolais, et les vins de prestige de la côte.
Mais le vignoble est également un modèle social. Une culture qui se rapproche de la société ouvrière des villes minières et sidérurgiques toutes proches de Montceau-les-Mines, le Creusot. Beaucoup de vignerons sont eux-mêmes petits propriétaires et revendiquent fortement leurs différences avec les métayers de l’ouest du département.
Le vignoble recouvre l’ensemble des pentes. Le cépage de gamay domine depuis les petites terres caillouteuses des sommets ou les grappes restent très maigres, jusqu’aux terrasses alluviales ou les grains gorgés d’eau sont souvent détruits par l’oïdium. Ce système s’avérera très fragile dès les premières attaques de phylloxéra en 1880.

Le bocage charolais, pays de châteaux et de métayers

Le bocage charolais  en grand format (nouvelle fenêtre)
Le bocage charolais
A partir du XVIIIème siècle le Charolais passe d’une polyculture pauvre vers l’élevage bovin et la production de viande bovine. Les parcelles se couvrent alors de prés entourés de haies, formant progressivement un paysage bocager. Les haies sont plessées et le paysage devait être moins ouvert que de nos jours où l’entretien mécanique des haies a généralisé une taille basse pour celles-ci.


 

Le terme de pays charolais désigne couramment aujourd’hui un secteur qui court depuis le Bourbonnais, le Charolais, la vallée de l’Arroux, le Brionnais pour aller mourir sur les contreforts du Morvan au nord, du Beaujolais au sud. Il est vrai que ces paysages ont un air de famille avec leurs collines bocagères parcourues d’un maillage de haies, ponctuées de grosses fermes isolées, jalonnées de petits villages.
Dès 1750, le paysage du Charolais bascule. En quelques décennies, un tapis de prairies bocagères recouvre les collines, parsemé de troupeaux blancs, effaçant l’ancien paysage de champs et de petits prés autour des écarts. Les marnes du Lias deviennent un terroir d’embouche majeur où sont produits des bœufs gras. Ce modèle agricole se généralise entre la fin du XVIIIe siècle et le XIXe pour fournir une forte demande de viande de boucherie pour les villes en pleine explosion démographique. L’élevage à viande exporté vers Paris et Lyon transforme ainsi une région d’agriculture de subsistance en une région d’exportation prospère. Il s’étend rapidement aux petits pays alentours qui ont pourtant une géologie, une histoire, et même des mentalités très différentes.

Le Charolais a une histoire politique particulière. En 1529, suite aux déboires de François Ier contre Charles Quint en 1525, ce petit royaume tombe sous la dépendance des Habsbourg d’Espagne. Il ne reviendra à la couronne de France qu’en 1659 avec le traité des Pyrénées.
Le Bourbonnais de Saône-et-Loire, de son côté, est resté jusqu’au XIXe siècle un pays de marches, peu peuplé entre Nivernais, Limagnes, et Charolais, handicapé par ses sables argileux peu fertiles. Ce n’est que dans les 40 ans qui précèdent la Révolution que ces collines marneuses et sableuses, jusqu’ici terres de misère, se couvriront d’un maillage de prés clôturés pour y engraisser des bœufs d’embouche.
À l’inverse, les collines du Brionnais, sans être aussi peuplées que le Mâconnais, sont peuplées de longue date, comme en témoignent ses nombreuses abbayes romanes du Xe s.

Le bœuf charolais

Le charolais  en grand format (nouvelle fenêtre)
Le charolais
Les bœufs et vaches blancs charolais se sont imposés dans les prairies de l’ouest de la Saône-et-Loire, obtenant en 2010 l’A.O.C. « Bœuf de Charolles ».

Les bovins à robe blanche existaient sans doute dès le Moyen Âge. Le premier herd-book (livre généalogique de la race) date de 1882 [1]. C’est l’époque où la filière se structure. Les éleveurs naisseurs vendent leurs animaux aux embaucheurs qui les engraissent à l’herbe pendant 2 à 6 mois, sur les riches pâtures du Brionnais et du bas Charolais. Les embaucheurs sont au cœur du système. Ils vont chercher des animaux maigres dans le haut Charolais et le Morvan pour les engraisser dans les prés d’herbe grasse avant de les vendre pour la boucherie. En quelques décennies, le succès aidant, les prés d’embouche s’étendent à toute la grande couronne du Morvan : Auxois, Terre-Plaine, Autunois, Bazois.

 

Le bassin minier et ses canaux

Vers 1780, le charbon du Creusot suscite la création des plus grosses forges de France.
En 1794, le canal du Centre relie ce pôle à la fois à la Saône et à la Loire, et le connecte avec le bassin houiller de Blanzy et de Montceau-les-Mines.
Une grande épopée industrielle commence en 1836 avec l’acquisition des installations du Creusot par les deux frères Eugène et Adolphe Schneider, venant de Lorraine. Deux ans plus tard, ils fournissent leur première locomotive à vapeur montée au Creusot. En 1843, ils implantent un marteau-pilon qui permet de forger de très grosses pièces. Ils implantent un grand atelier également à Chalon-sur-Saône. Ils ne vont cesser de fournir à une échelle industrielle des machines et des véhicules.
Le procédé sidérurgique des fours Martin, dans les années 1860, leur permet de fournir des aciers spéciaux de haute qualité à partir des minerais plutôt pauvres de la région. Les gouvernements successifs de l’empire puis de la IIIe République soutiendront ce pôle d’industrie de l’armement qu’ils considèrent suffisamment éloigné des frontières.

  Fin XIXe et XXe : la concentration autour des villes moyennes

Evolution population entre 1801 et 1982  en grand format (nouvelle fenêtre)
Evolution population entre 1801 et 1982
Le pic de population du département date de 1886 avec 625 885 habitants, le creux sera lui atteint à la sortie de la guerre en 1946 avec 506 749 habitants. (555 408 habitants en 2015)
Le dépeuplement des campagnes s’est produit tardivement, la population urbaine ne devenant majoritaire qu’à partir de 1962.
Après un essor vigoureux après 1954, lié à la reprise économique et la reconstruction, les agglomérations du Creusot ou de Montceau-les-Mines stagnent ou régressent dès 1975, malgré l’expansion de quelques communes comme Blanzy, Torcy. La croissance revient aux deux premières communes du département : Chalon-sur-Saône capitale économique, Mâcon chef-lieu de Saône-et-Loire ; ces deux centres départementaux sont eux-mêmes dominés en partie, selon un maillage plus large, par les métropoles régionales de Dijon et Lyon. Source : La Saône-et-Loire de la Préhistoire à nos jours. Goujon 1992


 

Dans la seconde moitié du XIXe s, partout, les campagnes se vident lentement sauf dans le vignoble qui connaît un âge d’or avant sa destruction par le phylloxera vers 1880.
Après 1950, un nouveau pôle industriel se développe dans le Nivernais, qui s’affranchit quelque peu de la métallurgie. En 1970, Schneider s’intègre au groupe Creusot–Loire qui va connaître de grosses difficultés, ce qui aboutira à son dépôt de bilan en 1984. 10 ans plus tard, les dernières mines de charbon fermeront.

Les quartiers résidentiels et la zone commerciale

Les jeunes quittent les petits bourgs ruraux pour se concentrer près des axes majeurs et dans les villes de plus de 5-10 000 habitants. À partir des années 1970, les commerces de base quittent les petites communes et se regroupent à la périphérie des grosses. Le phénomène s’accélérera dans les décennies qui suivront, renforçant l’emprise commerciale de Chalon-sur-Saône et Mâcon.
A partir des années 1980, une large auréole résidentielle s’étend autour des villes, brouillant les limites entre ville et campagne dans une part importante du département. Cette "rurbanisation" diffuse, avec ses voies, son mitage urbain qui multiplie les contraintes et la pression foncière, accentue en retour le déclin agricole.

  Sources

- La Saône-et-Loire de la préhistoire à nos jours. Pierre Goujon et al, 1992. éd Bordessoules.
- Histoire des paysages et des sociétés en bord de Saône depuis la dernière glaciation Lyon - Vaise. DARA 44 - Odile Franc, Ed : ALPARA - Maison de l’Orient et de la Méditerranée, 2016.
- Géographie historique de la France. Xavier de Planhol, 1994, éd Fayard.
- L’histoire du paysage français. Jean Robert Pitte, 2012. éd Tallandier.
- Histoire de la France rurale, tomes 1 à 4. Georges Duby, Armand Wallon et al, 1982. éd Seuil.
- Burias Jean et al, CNRS. 1979. Atlas historique français , Le territoire de la France et de quelques pays voisins.
- Atlas historique mondial – Georges Duby. Ed Larousse.
- Wikipedia.
- France, le trésor des régions. Ce site http://tresordesregions.mgm.fr est une base de données sur le territoire de la France et sur ses lieux. Ce travail se situe dans la suite de travaux qu’avait entrepris naguère le groupement d’intérêt public RECLUS sur la dynamique des territoires.

[1La couleur blanche de la robe n’a été fixée qu’au moment de la définition des critères retenus pour l’inscription sur les livres généalogiques, dans la seconde moitié du 19e siècle. Le premier herd-book "de la race bovine charolaise, améliorée dans la Nièvre, connue sous le nom de race nivernaise" a été créé à Nevers en 1864. Le deuxième, "de la race charollaise pure", a été créé en 1887 à Charolles. Les 2 ont fusionné en 1920 pour donner le herd-book "de la race charolaise", dont le siège est aujourd’hui à Magny-Cours (ferme du Marault).