L’Histoire, arrière-plan des paysages de Saône-et-Loire
Les paysages de Saône-et-Loire sont empreints de marques tangibles laissées par l’Histoire dont la portée dépasse les frontières départementales : sites préhistoriques de Vergisson et de la roche de Solutré qui ont donné le nom au Solutréen, période du Paléolithique, puis le mont Beuvray et Bibracte, Autun… sites exceptionnels témoins de l’histoire gauloise et antique de la France.
Le pouvoir de la religion catholique peut également se lire aussi dans le paysage au travers des ruines de l’abbaye de Cluny, grand centre du renouveau monastique européen au Moyen-Âge, et des silhouettes des nombreuses églises et chapelles romanes qui ponctuent le territoire départemental.
L’histoire de l’industrialisation de la France et du développement de ses transports ferroviaires trouve une de ses illustrations dans les paysages des bassins du Creusot et de Montceau-les-Mines : sidérurgie, mines de charbon et de minerai de fer, usines et logements ouvriers racontent la révolution industrielle du XIXe siècle, son apogée et son déclin avec en toile de fond celle de la condition prolétarienne.
Tous ces espaces où s’est inscrite une page importante de l’histoire nationale ont été mis en scène dans le cadre de grands sites (Vergisson-Pouilly-Solutré), de musées (Solutré, Bibracte, Montceau-les-Mines-Le Creusot), de visites (Cluny), de parcours (route de l’art roman…) marquant ainsi durablement les imaginaires paysagers de Saône-et-Loire et les inscrivant dans le temps long de l’Histoire.
Paysage et Préhistoire : Solutré et le Solutréen (Paléolithique supérieur)
Le site de Solutré a donné son nom à une culture du Paléolithique supérieur, le Solutréen (20 000 à 15 000 ans avant notre ère) caractérisée par la taille des silex en feuille de laurier, chef d’œuvre de la taille du silex. Le site découvert en 1866 et rendu célèbre par les recherches de l’Abbé Breuil, a été classé monument historique en 1942 et Grand site de France en 2013. Un musée départemental, le musée et jardin archéologique et botanique, mettent en scène cette histoire dans le paysage.
« Pour que le visiteur puisse découvrir à l’intérieur du musée les éléments majeurs du site de Solutré, ils ont créé [les architectes Guy Clapot et Dominique Daller] une ouverture au nord, sur le nez de la roche, une baie vitrée à l’est offrant une vue plongeante sur le site archéologique et la vallée de la Saône et, au sud, ils ont pensé l’accès au musée comme une faille symbolisant l’entrée à travers les couches archéologiques du temps. Les deux lunettes de vues sur la roche et sur la vallée de la Saône marquent un temps de repos dans le discours muséal et attirent l’attention des visiteurs sur les deux points forts du cadre naturel. Ces choix architecturaux permettent non seulement d’ouvrir le bâtiment sur l’extérieur, mais ils aident également à la compréhension du discours muséographique, notamment pour le déroulement et les techniques de chasse à Solutré ».
Sylvain Quertelet, Solutré : un musée au cœur d’un grand site, in : Nouvelles de l’Archéologie, Maison des Sciences de l’Homme, n°117, 2009
Ces deux illustrations permettent, dans un souci pédagogique, de mettre en contexte les résultats des recherches archéologiques effectuées sur le site de Solutré. Elles alimentent aussi un vaste imaginaire où paysage et histoire sont indissociés. Le regard de l’artiste se porte à la fois sur la roche elle-même et le paysage que l’on y embrasse.
Bibracte, Autun : des Gaulois aux Gallo-Romains
Bibracte : capitale des Éduens et symbole de l’unité nationale
Fondée à la fin du IIe siècle avant notre ère, au sommet du mont Beuvray, Bibracte, capitale des Éduens, est une ville fortifiée de 200 ha parmi les plus caractéristiques et les mieux préservées en France. Le site en lui-même et le musée des civilisations celtiques construit en 1994 qui s’y est parfaitement inscrit, témoignent de relation étroite entre histoire et paysage. Bibracte est classé au titre des sites (loi du 2 mai 1930) depuis 1990, des Monuments historiques depuis 1988 et a obtenu en 2008 le label « Grand Site de France » (Bibracte-Mont Beuvray) renouvelé en 2014.
« Si l’on veut essayer de retrouver quelque chose des Gaulois, j’entends quelque chose que le paysage porte encore, même après tant de siècles, c’est à Bibracte qu’il faut aller, sur ce mont Beuvray dominant les plateaux du Morvan. »
Jacques Lacarrière, Chemin Faisant, 1974
« Le mont Beuvray, c’est-à-dire Bibracte [est] vécu comme le signe, toujours inscrit dans le paysage, du plus ancien témoignage d’unité nationale ».
Vaste était le pays des Éduens. in : Jean-Claude Bailly, Le Dépaysement, Seuil, 2011
Le paysage est largement représenté dans les documents de communication du site du mont Beuvray et du musée de Bibracte. Ici aussi, la volonté est clairement d’associer la géographie avec l’histoire.
Le musée de Bibracte construit par Pierre-Louis Faloci, auteur également du musée des civilisations celtiques de Solutré est, selon l’architecte, l’illustration d’« une articulation indissociable architecture-paysage ».
Autun : des vestiges dans la ville
« Autun, la romaine », c’est ainsi que la ville est qualifiée par le dernier guide Hachette « Un grand week-end en Bourgogne du Sud » édité en 2017. A l’est du mont Beuvray et de l’oppidum de Bibracte, la ville fondée au 1er siècle avant notre ère par Auguste conserve de nombreux vestiges gallo-romains : théâtre, portes, temples, pyramide… Qualifiée aussi de « porte du Morvan » et associée au grand site de Bibracte, elle s’inscrit, dans les imaginaires historiques et géographiques, dans la continuité de l’ancienne ville éduenne.
« Vue du faubourg d’Arroux à Autun. La porte romaine se détache sur le ciel. Au premier plan on aperçoit des groupes de lavandières. »
Extrait de la notice de l’œuvre sur la base Joconde (ministère de la Culture)
Cluny et l’art roman, témoins de l’histoire de la chrétienté
L’esthétique et la spiritualité de l’architecture et l’art romans innervent les paysages départementaux. L’existence de Cluny, plus grande abbaye et phare de la Chrétienté jusqu’au XVIe siècle, plus grand centre intellectuel du Moyen-âge, appelle à elle seule, un nombre infini d’images et de références culturelles et historiques sur le rapport qu’a entretenu l’Église avec les territoires sur lesquels elle a exercé son pouvoir. Ces paysages tels qu’on les perçoit aujourd’hui sont les héritiers de modes spécifiques de mise en valeur, développés par les établissements religieux. Leurs traces concrètes sont parfois encore bien repérables dans le paysage dont l’entendement relève d’un mélange savant entre géographie, images de l’art et de l’architecture, et spiritualité.
« Riche de plus de 250 églises et chapelles des XIe et XIIe siècles, et de prestigieuses abbayes à Autun, Tournus, Paray-le-Monial et surtout Cluny, qui marqua fortement la chrétienté, le département de Saône-et-Loire est un département-phare de l’art roman en France ».
Un grand week-end en Bourgogne du sud, Hachette, 2017
La chapelle de Berzé-la-Ville construite au XIe siècle est proche de l’abbaye de Cluny. C’est un exemple de l’imprégnation d’un paysage de Saône-et-Loire par l’art roman et la spiritualité. Classée monument historique en 1893, la chapelle abrite des fresques du XIIe siècle qui n’ont été découvertes qu’à la fin du XIXe. La Perception de ce paysage est pénétrée de l’histoire des établissements religieux et de leur impact sur le territoire, de la spiritualité dégagée des lieux qu’exalte encore la présence des peintures murales à l’intérieur de l’édifice.
Les paysages du bassin minier du Creusot-Montceau : un condensé d’histoire industrielle
Les paysages de sidérurgie, de mines, d’industrie lourde créés à partir du milieu du XIXe siècle au Creusot se sont de nouveau transformés à partir des années 1970, date du début de la désindustrialisation de la France. Aujourd’hui, l’écomusée du Creusot-Montceau est le médiateur de l’histoire de ce territoire dont la perception passe par la compréhension des évolutions passées et à venir (transformations industrielles, réhabilitations, reconversions, histoire sociale…).

Le palais de l’industrie retrace à la fois l’histoire industrielle et urbaine de la ville du Creusot. Des plans-reliefs représentent l’industrialisation de la ville, reliant directement histoire et paysage.
L’écomusée participe aussi à la mise en évidence et à une meilleure connaissance du Patrimoine rural de l’agglomération. A côté de bâtiments industriels patrimoniaux réhabilités, comme la briqueterie de Ciry-le-Noble qui, au bord du canal du Centre, est devenue un motif reconnu, un travail est mené pour une meilleure reconnaissance du paysage de bocage qui s’étend de part et d’autre du canal qui relie la Saône à la Loire.
Paysage, industrie, art et histoire se rejoignent dans cette exposition du peintre Rochette à l’écomusée de Creusot-Montceau.
VOIR AUSSI…
- Le Creusot vu par Georges Riguet, 1946
- Le Creusot vu par Guy de Maupassant, 1884
- Portrait du Bassin Minier
- La roche de Solutré vue par Roger Gouze, 1981
- Le Morvan vu par Jean-Christophe Bailly, 2011
- La Côte Mâconnaise vue par Alphonse de Lamartine, 1851
- Portrait de la Côte Mâconnaise
- Les pôles d’attractions historiques
- Les dates-clefs des paysages de Saône-et-Loire
- Le Morvan Oriental vu par Luc Hopneau, 1974
- Le mont Beuvray vu par M. Gaultier, curé de Saint-Léger, 1725
- Portrait du Morvan Oriental
- Le Clunisois vu par Pierre Boudot, 1972
- Les Vallées du Clunisois et la Côte Chalonnaise vues par Fracisque Parn, 1914
- Portrait des Vallées du Clunisois